ARANAËL ET LE GARÇON AUX CHEVEUX BLANCS

Chapitre dix-neuf.

Avec mon frère et Tsukumo, nous nous réunissons dans mes appartements pour parler de ce qui vient de se passer. Je suis bouleversé par l’annonce de cette vérité. Jamais je n’aurais cru que Tsukumo et moi sommes… cousins.

Le jeune humain me regarde avant de nous demander de nous assoir en face de lui. Nous prenons place sur des coussins comme le veut la tradition de nos terres. Ma chambre est suffisamment spacieuse pour que nous puissions tous les trois discuter. Tarek prend une posture majestueuse alors que moi, plus négligée. Mon aîné montre à mon servent tout son respect dans son geste et je réalise alors à quel point j’ai pris de mauvaises habitudes en restant agrippé à l’humain pendant tout ce temps.

—Qu’est-ce que cela signifie, Tsukumo ? Demande mon frère.

En réalité, nous avons parfaitement compris, mais nous voulons entendre Tsukumo en parler de vive voix. Et c’est l'occasion pour moi de le comprendre un peu plus et de savoir ce qu’il cache au plus fond de son cœur.

Tsukumo porte ses mains à ses oreilles et commence enfin à bouger ses lèvres pour parler. Je fixe sa bouche en enregistrant chaque détail de ses lèvres qui me fascinent tellement. Qui me tourmentent les nuits où je n’arrive pas à trouver le sommeil je pense à elles

—Père et mère v-vous ont dit la v-vérité à propos d-de mes parents biologiques.

J’écoute Tsukumo mais constate qu'il lui est difficile de nous raconter son histoire sans verser de larmes. Avec mon frère, nous prenons la décision de nous lever de notre place pour venir à ses côtés. Une fois entre nous deux, nous prenons chacun ses mains pour lui témoigner tout notre soutien. Jamais nous ne rejetterons ce garçon malgré son passé. Nous avons tous une histoire, et voici celle de Tsukumo.

—Q-Quand m-mère est m-morte, j'étais à l’intérieur de son ventre. Mais u-un miracle m'a épargné.

Tsukumo poursuit avec difficulté son discours. Il pleure et bégaye plus que d’habitude en avouant la vérité. Mais parler le libère d'un poids bien trop lourd pour ses épaules. Je comprends un peu mieux ce garçon et mes sentiments pour lui. Je sais maintenant d’où viennent son innocence et sa pureté.

Je réalise enfin pourquoi je l’aime lui et personne d’autre.

—M-Mère a demandé à s…s… son frère d'extraire mon c-corps avant q-qu'elle n-ne perde la vie d-d-d…
—Vas y doucement, Tsukumo. Le rassuré-je en serrant ma poigne autour de ses doigts. Nous sommes là pour t’écouter, vas y à ton rythme.

Ce qu'il veut dire, c’est qu'Elisabeth n'est pas morte sur le coup. Enceinte de lui, elle a demandé à ma mère de retirer Tsukumo de son ventre alors qu’il n’était qu'une graine. Puis, des guérisseuses ont gardé le fœtus de mon servant à l'abri, à l’intérieur d'une plante couveuse. Cette méthode permet à un enfant de se développer en dehors de l'utérus de sa mère, mais cela n’est pas son conséquences.  N’étant pas dans un corps chaud, les risques de pathologies sont très élevés puisque les plantes couveuses ne sont pas aussi fortes qu’une mère. Je comprends maintenant pourquoi nos parents n'ont rien dit à propos de cela et pourquoi le passé de Tsukumo était aussi flou qu'obscur. Un enfant né dans ces conditions n'a pas de famille et d'identité. Je n'imagine pas à quel point il a du souffrir en apprenant les conditions de sa naissance, la mort de ses véritables parents et la triste vérité derrière ses handicaps. À cause de cela, mon jeune servant est sourd et bègue.

Et je ne peux m'empêcher de vouloir le protéger. Je veux qu’il comprenne qu’ici, c'est chez lui et qu’il fait parti de notre famille. Et qu'il a une énorme place à l’intérieur de mon corps.

Pour autant, je ne peux le considérer comme un frère à cause de la nature de mes sentiments. Je ne peux pas le regarder autrement que l’objet de mes désirs. Mon amour pour lui est irrationnel mais si sincère. Pour moi, c'est Tsukumo depuis toujours.

Même si un jour il vient à me détester, je ne pourrais jamais lui porter un quelconque sentiment de haine.

—Je suis content que tu te livres à nous, Tsukumo. Le rassure Tarek en caressant ses cheveux. Tu es comme notre petit frère.

Le jeune humain se met à rougir devant les propos de mon frère.

—M-Mais je vous ai menti… en sachant pertinemment le l-lien qui m'unissait à… à vous !

Quand il commence à paniquer, Tsukumo a la fâcheuse habitude de trembler et verser des larmes. Avec Tarek, nous nous levons en l’entraînant dans notre mouvement.

—Nous avons tous un secret que nous ne pouvons révéler, lui dit la bête noire. Mais sache que nous sommes là pour toi. Quelque soit ton histoire, tu es un membre à part entière de notre famille. Alors je t'en prie, ne nous rejette pas, Tsukumo.

Elisabeth a laissé une chance à son fils de vivre sa vie avant de mourir. Elle aurait pu l'emmener avec lui, mais elle ne l’a pas fait. Alors ue suis sur que d'en haut, elle veille sur son fils et qu'elle est fière du garçon qu’il est aujourd’hui. Et pareillement pour Quartaffel.

—V-Vous ne me détestez pas ?
—Non ! Répond mon frère en premier.

Puis ils me regardent tous les deux pour attendre la mienne. Si je le déteste ? Évidemment que non. Bien sûr que je ne le déteste pas ! Au contraire, Tsukumo est ce que j'ai de plus cher au monde. Je me fiche bien de savoir qui sont ses parents ou des conditions de sa naissance. Tsukumo est Tsukumo quoi qu’il arrive. Et c'est ainsi que je l’aime. Avec ses handicaps et sa voix angélique. Son regard vitreux et ses cheveux blancs que j’aime plus que tout au monde. Il n'y a pas plus précieux que Tsukumo dans mon cœur.

—Évidemment que je ne te déteste pas non plus, idiot. Lui dis-je en souriant et pinçant son nez.

Voyant notre rapprochement naturel, Tarek s’éclipse sans que l'humain n'y prête attention. Une fois seul avec lui, je le serre contre moi sans rien dire. Tsukumo m'appelle mais très vite, il se tait en obtenant aucune réponse de ma part. Là, en cet instant, j’ai juste besoin de le prendre dans mes bras et de caresser ses cheveux en sentant son odeur.

—Tsukumo…
—Mons…

Il s’arrête et passe ensuite ses mains sur mon dos.

—Aranaël.