Chapitre corrigé en 2020 / publié en 2018a
Désespérément, je l'embrasse. Cet instant est magique et je veux en profiter comme si c'était le dernier. Tsukumo est encore affaibli et arrive à peine à se maintenir à cause de ses blessures. Ses bras tremblent tout comme son cœur et son corps. Nos êtres vibrent face à ces sensations et on ne peut plus s'empêcher de s'embrasser. C'est juste trop bon de pouvoir sentir sa bouche contre ma gueule. Son corps contre le mien et ses mains tenter de s'agripper à mes vêtements.
— Tsukumo...
Si l'envie de le prendre est bien présente, je me retiens plus que de raison. Je ne peux plus me permettre d'agir comme un enfant et de le blesser à nouveau. Je serai patient. J'attendrai que Tsukumo vienne de lui-même exiger ce qui lui revient de droit. Je veux entendre de sa voix tremblante qu'il me désire et ne veut que moi. S'il savait comme mon envie de le monopoliser est grande, il me fuirait.
Alors c'est presque un supplice de devoir me séparer de lui. Sa respiration est rapide et ses yeux larmoyants d'amour quand il me regarde. Il est beau, si beau. Il ressemble terriblement à la neige avec ses cheveux froid et son regard profond.
Et petit à petit, la glace fond.
—Je suis profondément désolé, Tsukumo.
Je baise ses mains bandées dans l'espoir qu'elles guérissent plus vite. En cet instant, je suis prêt à croire en toute la magie de ce monde pour qu'il se rétablisse au plus vite, et dans les meilleures conditions. Mais je ne suis pas ignorant, Tsukumo gardera de son geste des cicatrices qui ne s'effaceront jamais. Des traces indélébiles qui me feront toujours regretter mon comportement. J'ai été stupide. J'ai agi avec naïveté et à nouveau, c'est Tsukumo qui paye les pots cassés.
—L-La bague... où est-elle ?
Ah, c'est vrai. Tsukumo a pu récupérer la bague. Grâce à lui, elle n'a pas eu le temps de subir de dégâts. Le feu l'a un peu déformé mais je suis certain qu'elle glissera parfaitement sur son doigt.
—Juste ici.
Je montre l'anneau à Tsukumo qui ne peut s'empêcher de verser des larmes en le voyant. Délicatement, il approche ses mains pour que je le laisse tomber sur ses paumes... une fois à l'intérieur de ses mains, il fixe le bijou en pleurant. Puis, avec le peu de force qui lui reste, il serre ses poings pour les mettre contre sa poitrine et sentir le pouvoir de la bague interagir avec tout son être. Non pas qu'elle soit pleine de magie, Tsukumo arrive à sentir la force de mon amour dans ce bijou. Pour lui, il est important et n'a pas hésité à mettre ses mains dans le feu pour le récupérer. Mais à cause de moi, j'ai aggravé sa santé. Si de naissance, il est bègue et sourd, je viens d'handicaper ses mains avec sévérité. Alors inlassablement, je les prends dans les miennes pour les embrasser. Un a un, ma gueule caresse ses doigts et mon museau respire sa peau. Tsukumo me regarde faire et rougit à chaque baiser que je lui donne. Mais c'est le seul moyen que j'ai pour lui montrer à quel point je regrette mon geste et ma parole. Je veux qu'il sache combien je l'aime et que je suis sincère quand il s'agit de lui. De toute ma vie, c'est la première fois que j'aime quelqu'un aussi puissamment.
Et j'espère qu'il sera le dernier. Je ne veux pas partager mes sentiments avec un autre, autre que Tsukumo.
***
Quelques jours plus tard, Tsukumo est autorisé à quitter sa chambre. Si sa guérison avance plutôt à petits pas, Tsukumo suit une rééducation très stricte par mon père. Ce dernier a décidé de prendre en charge cette partie de son traitement tandis que ma mère l'épaule psychologiquement. Tsukumo les voit comme ses propres parents et ça fait de nous des frères. Enfin, même si nous ne sommes pas liés par le sang.
Parfois, je me demande comment sont les siens. Tsukumo ressemble forcément à ses parents mais par moment, il a certains traits de ma mère. Sûrement mon imagination qui me joue des tours à cause de leur innocence. Je pousse Tsukumo sur son fauteuil pour qu'il rejoigne mon père. Sur le chemin, aucun de nous parle, seul le silence est présent. Mon jeune servant regarde la vue défiler sous son regard, les mains sur ses genoux.
Elles sont recouvertes de cicatrices, mais Tsukumo ne semble pas en tenir compte. Je l'aime aussi avec mais je ne peux m'empêcher de culpabiliser pour ce que j'ai fait. Qu'est-ce que ce sera la prochaine fois, hein ?
—Nous sommes arrivés, tu es prêt ?
—O-Oui, Monsieur.J'ouvre la porte et nous traversons les quartiers de mes parents avant de les rejoindre dans une salle aménagée pour Tsukumo. Rapidement, on se salue puis mon père prend les choses en main.
Je soulève Tsukumo de son fauteuil et il rougit quand il réalise qu'il est dans mes bras. Je le tiens comme une princesse et me dirige vers mon vieux. Mes parents nous regardent et ma mère ne peut s'empêcher de rougir. Bordel, il arrive à me mette mal à l'aise à son tour mais très vite, je dépose Tsukumo près de mon père, sur une chaise confortable.
—Aranaël, tu peux disposer.
—Quoi ?Mon père ne me donne pas plus de réponses et ma mère décide de me prendre par le bras pour me faire partir. Elle reste en dehors de la salle avec moi et attend que je me calme pour me demander :
—Et si on allait marcher un peu dehors, juste toi et moi ?
Savoir que mon père se retrouve seul avec Tsukumo me rend fou. Et s'il tombait amoureux de lui et qu'il me laissait derrière ?
Même si je sais que mon père ne trahirait jamais ma mère, je ne peux m'empêcher de penser au pire quand Tsukumo est loin de moi. Je sens un étrange sentiment s'emparer de mon être. J'ignore si c'est de la frustration, ou de la colère mais...
J'ai peur.
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ARANAËL ET LE GARÇON AUX CHEVEUX BLANCS
WerewolfBien des années viennent de s'écouler sur le royaume d'Ibn Fadhan. Estella et Daeron coulent des jours heureux et leurs enfants grandissent. Aranaël rencontre Tsukumo, un jeune garçon aux cheveux blancs et au visage sans expressions quand il n'est...