Chapitre trente.

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Peut-être le chapitre le plus triste...

Je lâche ma lance par terre à la fin du conflit. Père reste immobile, regardant le corps de maman contre celui de Tsukumo. Le garçon aux cheveux blancs pleure toutes les larmes de son corps, couvert par le sang de maman. Je m’approche doucement en dépassant mon père, qui semble déconnectée de la réalité. Arrivé à leur hauteur, je me baisse.

Mais quand je touche son épaule, et que je n’ai aucune réponse, je réalise qu’elle est morte sur le coup. Bouleversé au plus profond de mon corps, je suis impuissant, et incapable de pleurer sur le moment. Mais mon cœur bat étrangement, je ne me sens pas bien, comme si une partie de moi était morte avec ma mère. Son sang recouvre l’épaisse neige blanc, et les vêtements et cheveux de Tsukumo.

Sur l’instant, je ne comprends pas vraiment ce qui vient de se passer. En l'espace de quelques minutes, tout mon univers a éclaté. Enragé, je me redresse et récupère ma lance. Je m'avance faiblement, traînant des pieds pour me mettre à genoux face au corps sanglant de Baron. Si j’ai perdu une partie de mon visage et un œil, mon regard brûle d'une extrême rage intérieure. Je lève alors ma lance et vient mutiler le corps du lion en le plantant. Encore et encore, je fais jaillir son propre sang sur mon corps et sur la neige aux alentours. Dans mon dos, père ne dis rien. Incapable de parler, il récupère seulement le corps de maman en le recouvrant de sa longue veste pour lui faire honneur, après l’avoir embrassé chastement sur les lèvres. Il aide également Tsukumo qui ne peut s'empêcher de pleurer, encore et toujours. Puis ce dernier lui fait signe d'aller me voir alors que la haine monte en moi. Si je n'ai rien dit, je hais Noël à tout jamais, et les membres du Conseil d'Ibn Fadhan qui ont pris ma famille. Et dans un sens, Baron a venger la mort de son frère en prenant la vie de ma mère.

— Aranaël… je vous en prie… arrêtez, m'implore Tsukumo en venant à mes côtés.

Légèrement en retrait, il se colle contre mon dos, sa tête et ses mains contre mes dorsaux.

— I-Il est mort…

Il a raison, si raison. Mais... J’ignore sa voix, plongé dans mon monde de haine et de regret. C’était à moi de mourir, pas à ma mère de se sacrifier ! Comment devenir un jour souverain si je laisse les miens se sacrifier à ma place ? Mère et père sont venues ici car leurs hommes les ont averti. Mais jamais les choses auraient dû se passer ainsi. Pourquoi ? Pourquoi ? Ce n’était pas à ma mère de mourir…

— Ça suffit, Aranaël, me dit père. Relève toi fils, tu es grièvement blessé.

Ce n'est pas de moi dont il faut s'inquiéter... Mais de mère !

— Mais je me moque même de mourir maintenant !? Lui réponds-je en me levant.

Je lâche ma lance que Tsukumo rattrape difficilement pour tenir d'une main mon père par le col de sa blouse.

— Mon existence vient de se terminer à l’instant même ou maman est morte !

Je hurle sur mon vieux car je n’ai plus rien à perdre à présent. Et si je souffre énormément, je n'ose imaginer la peine de ce dernier qui pleure silencieusement, dans son cœur. Par respect pour sa moitié, il ne verse aucune larme sur son pelage sombre. Père se contente de serrer le corps de maman contre le sien. Puis silencieusement, il s’éloigne en reculant d’abord, en direction du palais royal.

Quant à moi, je n’ai plus la force de marcher, ni même de rentrer. Je regarde le carnage autour de moi, et la lignée de sang que maman laisse derrière, une dernière fois, avant de regarder Tsukumo.

—Ne me regarde pas comme ça.
—Ara…
—Dégage ! Je ne veux plus jamais te revoir ! T-Tout ça c'est de ta faute !

Ma parole dépasse de loin ma pensée, mais mon geste aussi quand je le gifle pour qu'il s'éloigne. En plus d’avoir le cœur aussi détruit que le mien, je viens mettre le coup de grâce à Tsukumo qui me regarde, impuissant et tremblant. Il laisse de nouvelles larmes rouler sur sa peau si blanche, mais tachetée de rouge sang. Non, ce n’est pas du tout ce que je veux lui dire ! Je… jamais Tsukumo n’a souhaité la mort de maman, ni même ce carnage dénoué de sens. Et moi, je le fais culpabiliser alors qu'il est la personne la plus innocente du monde.

Quand j’avance ma main vers lui, il recule brusquement avant de partir en courant, pleurer. Je m’effondre sur le sol, exténué par cet affrontement, par ma perte de sang et la mort de ma mère. Si la fin de mon univers vient de prendre fin, j’ai anéanti Tsukumo en disant des choses horribles. Je regarde la neige tomber sur mon corps, à côté de celui de Baron avant de réaliser ce que j'avais fait.

Ridzac me tuerait s'il m'avait vu m’acharner sur le corps du lion, je n’ai pas su faire honneur aux pratiques qu’il m'a apprises, et à cette lance. Et avant de fermer les yeux à mon tour, je verse une larme silencieuse, dans le coin de mon œil.

Comprenant que j’ai tout perdu en cet instant.

ARANAËL ET LE GARÇON AUX CHEVEUX BLANCSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant