Écrit en mai 2018
Corrigé en septembre 2018—Elisabeth, laisse moi te présenter mon fils, Aranaël.
Maman touche de ses doigts les lettres gravées sur la pierre. Je me contente de l'observer, regardant attentivement sa gestuelle. Cette femme est sa sœur, donc ma tante. Ma mère m’explique par la suite que ce Quartaffel était son partenaire mais qu'ils sont morts ensembles, main dans la main. Elle et son compagnon ont perdu la vie peu de temps avant ma naissance.
Quand maman me peint son portrait, je n’ai aucun mal à m’imaginer son visage. Petite et fine, elle avait de magnifiques et très longs cheveux blonds. Elle avait le teint et le visage d'une poupée de porcelaine. Son regard doré était plus brillant que toutes les pierres précieuses de ce monde.
—Je suis venu te jouer un petit morceau, Elisabeth. Pour toi et Quartaffel.
Maman se lève avant de prendre une position idéale pour jouer. Une fois le violon contre son épaule, elle respire un grand coup, un peu anxieuse, avant de naturellement glisser la baguette sur l’instrument en bois. Quand elle commence à jouer les premières notes, la mélodie qui en ressort est poignante. Puissante. Elle reflète toutes les émotions que maman ressent. Elle dompte les cordes du violon pour en faire une merveille. Mais il y a comme un air de tristesse dans cette musique. Un goût amer, plein de regrets. Et une sensation d'inachevé.
—Maman…
Pourtant elle reste début, jouant fièrement de son violon. J'ai l’impression que c’est une manière de dire ce qu'elle a sur le cœur et de faire part de son amour à ces deux êtres. Un moyen pour elle de communiquer et rendre hommage à sa sœur, mais aussi à ce Quartaffel. Parfois, il se peut que les mots nous manquent ou ne sortent pas. Je ne connais pas ma tante mais je suis certain qu'elle écoute sa musique, là où elle est. Elle résume leur relation à la fois forte et tumultueuse. J’ai l’impression que maman n'accepte pas tout à fait sa mort et que quelque chose l’en empêche. Malheureusement, elle ne semble pas trouver la réponse qu'elle cherche. Peut être réside-t-elle en nous, jeune génération ? Accepter la disparition d'un proche est impossible, une partie de nous meurt toujours.
À la fin de son morceau, maman laisse tomber la baguette dans l'herbe, puis je la rattrape quand elle tombe en arrière à cause de la fatigue.
— Ne force pas trop maman, tu viens d'accoucher.
En la rattrapant, je remarque que ses épaules tremblent. Oh que oui, jouer devant ces tombes a dû être une terrible épreuve. C'est normal. Ils avaient le même sang, la même histoire et la même famille. À part nous, maman n'a pas de parents ou de frère et sœur avec qui, elle pourrait se retrouver. Même si elle a sa propre famille, je pense qu’elle aurait aimé avoir un véritable foyer où retrouver des parents, ainsi que sa sœur.
—Je suis sûr qu’elle t'a entendu, maman. Cette mélodie a touché son cœur, j’en suis persuadé.
—A-Aranaël ?Elle me regarde dans les yeux, cherchant du réconfort auprès de moi. J'ignore ce qui s'est passé entre eux à son époque mais maman n'arrive pas à faire son deuil. Elle est attristée par la mort de sa sœur. Perdre quelqu'un qu'on aime est terriblement douloureux. Si Tsukumo me quittait, je ne m'en remettrais pas.
En venant ici pour jouer ce morceau, elle cherchait des réponses à ses questions. Je ne sais pas si elle a avancé dans ses recherches mais je veux l’aider. J’éprouve un profond respect pour ma mère. C’est une personne courageuse et douce, elle est la gentillesse incarnée. Il est évident qu’Elisabeth ait entendu ses notes. Elle a reçu son amour depuis là haut et je suis certain qu’elle veille sur elle. Mais également sur notre famille.
Et dans un sens, je pense que Quartaffel en fait de même.
J’aide finalement ma mère à se relever avant de récupérer ses affaires, ramassant sa baguette dans l’herbe pour la lui rendre. je regarde son violon qui semble abimé par le temps mais qui pourtant, reste accordé.
—J'ignore tout de votre relation mais si tu tiens à elle, alors garde son souvenir dans ta mémoire, maman. C'est une personne importante pour toi et même si je ne connais pas la sensation de perdre un proche, je peux comprendre à quel point c’est douloureux.
Ma mère a un regard triste quelques instants, plongée dans ses pensées. Puis elle m'adresse un sourire plein d'amour et de fierté à m'en faire rougir. Elle reste un personnage énigmatique à mes yeux. Je sais que son passé la hante encore et qu'il est difficile pour elle de vivre normalement, mais nous sommes là. Papa est là et je sais qu’il prend soin d'elle.
—Je te promets de protéger Tsukumo. Ce garçon a besoin de moi plus que jamais.
—Protège le, Aranaël. Aime le de tout ton être. Chéris le de tout ton cœur.Je rougis avant de regarder ma mère dans les yeux. Je veux être digne de mes parents mais surtout de Tsukumo. Je ne veux pas les décevoir et rendre triste mon servant. Je l’ai blessé une fois parce que j'ai été faible. Parce que je n’ai pensé qu’à moi, guidé par ma nature sauvage.
Je ne veux plus jamais revoir une telle expression sur son visage. Je suis un prince et mon rôle est de protéger Tsukumo. De l’aimer de lui jurer fidélité. Je le jure sur mon honneur, je protègerai Tsukumo quoiqu'il m'en coûte.
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ARANAËL ET LE GARÇON AUX CHEVEUX BLANCS
WerewolfBien des années viennent de s'écouler sur le royaume d'Ibn Fadhan. Estella et Daeron coulent des jours heureux et leurs enfants grandissent. Aranaël rencontre Tsukumo, un jeune garçon aux cheveux blancs et au visage sans expressions quand il n'est...