Écrit en mars 2018.
Corrigé en septembre 2018.
—Je m’appelle Tsukumo.Je me souvins de notre première rencontre. De cette petite voix discrète, à peine audible. Incapable d'exprimer la moindre émotion sur son visage et de la couleur pâle de sa peau. Ainsi que son petit corps frêle.
Le garçon qui se tint en face de moi daigna quand même me tendre sa main pour me saluer. Je n'avais pas besoin de la toucher pour deviner à quel point elle pouvait être froide, comme sa personnalité.
À l’aube de mes cinq ans, je me rappelai que mes parents avaient tenu à nous présenter notre futur servant, avec mon frère et ma sœur. Il s'appelait Tsukumo et ses cheveux étaient aussi pâles et tristes que la neige. Tarek, mon aîné et Liselotte ma cadette, étions des triplés. Nous étions l’avenir de la famille royale d'Ibn Fadhan. Et lui, qui se tenait debout devant nous, avait le regard ailleurs.
— Alors Aranaël, qu’est-ce que tu attends pour te présenter ? Me demande maman.
Mon frère et ma sœur venaient de se présenter. Maintenant, c'était à mon tour. Dès le début, je n'avais pas accepter la présence de Tsukumo. Sa froideur me faisait peur. Il semblait imperturbable… et comme je ne pouvais pas deviner à quoi il pensait, j'étais complètement perdu face à lui.
Maman qui était un garçon, gonfla ses joues face à mon manque de réaction. Elle était incroyablement douce avec nous mais elle avait du caractère quand il s'agissait de nous rappeler à l’ordre. Dans notre monde, il existait deux races. Les bêtes et les humains.
Tant bien que mal, nous essayions de vivre en harmonie. Si papa et maman en étaient le parfait exemple, cet équilibre était précaire et restait encore trop fragile. Un lien passionnel nous liait. Mais l’amour était possible. Que nous étions des garçons et des filles, cela n'avait pas d'importance.
La seule chose à retenir de cette union était l’amour qui s'y dégageait. Malgré les conflits et la violence de certaines relations, ce lien était indestructible même s'il pouvait être douloureux. Nos parents étaient des âmes sœurs. Deux êtres destinés à s'aimer à tout jamais. Et je rêvais de connaître une telle émotion, un jour.
Pour le meilleur et pour le pire.
Liselotte tenait de l'humanité de maman. Elle avait de longs cheveux blonds et d’incroyables yeux dorés. Quant à mon frère et moi, nous tenions notre bestialité de papa, un loup noir. Tarek lui ressemblait comme de gouttes d’eau. Il avait le même pelage sombre et les yeux rouges. Moi, je ressemblais plutôt à maman avec mon apparence claire et mes yeux dorés.
—J-Je m'appelle Aranaël, enchanté de te rencontrer, bégayais-je.
Je rougis, gêné. Tsukumo était un peu plus jeune que nous, en plus d'être notre opposé. C'était la première fois que je voyais un garçon comme lui. Même s'il était mignon, son apparence était aussi froide que sa personnalité. Ses cheveux blancs et ses yeux marrons me faisaient peur. Ce dernier se montrait distant et ce, malgré ma tentative de rapprochement.
En effet, à aucun moment il ne sourit. Son regard était aussi vide qu'un ravin et son visage manquait cruellement d’expressions. Papa et maman avaient jugé bon de nous le présenter et de faire de lui un membre à part de notre famille. Je n'arrivait pas à le comprendre, ni à lire sur lui. Il était là, simplement debout, en face de nous et cela m'agacait.
Il était étrange avec son air mystérieux. Je le trouvais beaucoup trop calme et réservé. Il ne semblait pas me détester mais quelque chose l’empêchait de s’ouvrir. Tsukumo était protégé par une solide carapace qu'il s'était construite.
— Ne me touche pas, tu es juste un serviteur qui fait ce qu’on lui dit !
Je repoussais sa main assez brusquement pour tester sa réaction. Là encore, il ne se passait rien. Il laissa simplement son bras retomber le long de son corps, sans bouger. Pas un gémissement n'était sorti de sa bouche. Pas une seule plainte s'était faite entendre. Il me regardait simplement dans le blanc des yeux, et son attitude m'effrayait
Papa m'attrapa par le col de ma tunique, me faisant décoller du sol, très mécontent de mon comportement.
—Ah, ah louveteau. Tsukumo est un servant, pas un esclave. Il n’est pas là pour te servir mais prendre soin de toi et de tes deux jumeaux. Si tu ne le traites pas avec le plus grand respect, je serai obligé de te punir comme il se doit.
Je compris ce que mon père voulait me dire. Même à mon âge, je savais qu'il n'était pas un larbin. Les servants prenaient soin de leur maître. Le guider et l’aider quand ce dernier s’égarait était leur devoir. Mais il n'y était pas obligé. Il fallait que cela vienne de leur propre volonté. Le servant était plus qu’un bras droit dans certains cas. Mais savoir que quelqu’un comme lui intégrait notre famille ne m'allait pas.
Mais rien que de penser à la punition de papa, je pris peur. Il était très sévère ! Je revins vite à l’instant présent en croisant le regard de maman. Elle était beaucoup plus douce, je la préférais ! Papa était tout le temps méchant avec moi… mais son statut de roi l’obligeait à rester stricte.
—Bien, commence maman. Tsukumo vivra avec nous à partir d'aujourd’hui. Tarek, Liselotte, Aranaël, nous comptons sur vous avec papa pour prendre soin de lui.
Maman s’approcha de lui et vient caresser ses cheveux.
— Tu me rappelles moi quand j’étais plus jeune. Tu es adorable, Tsukumo. Nous allons bien nous entendre, j'en suis certain.
Même si ce dernier se laissa faire, il n’affichait pas la moindre émotion sur son visage. Il se contenta de regarder maman dans les yeux. Un regarder vide. Tsukumo était mentalement absent. Il parlait peu et hochait à peine la tête pour répondre. Ses réponses étaient toujours très courtes mais directes. Et sa voix linéaire et sans sentiment était douce, il n'y a seulement aucune intonation.
Ce garçon ressemblait à une poupée sans âme.
VOUS LISEZ
ARANAËL ET LE GARÇON AUX CHEVEUX BLANCS
Hombres LoboBien des années viennent de s'écouler sur le royaume d'Ibn Fadhan. Estella et Daeron coulent des jours heureux et leurs enfants grandissent. Aranaël rencontre Tsukumo, un jeune garçon aux cheveux blancs et au visage sans expressions quand il n'est...