Omerta

Chapitre 3 - 2/2

– C'est pas exactement à ça que je m'attendais, dit Andrea d'un ton hésitant.

Rhys descendit de voiture pour ouvrir le coffre. Il jeta au pied du jeune homme le sac de sport qui lui servait de valise avant de s'allumer une cigarette, le visage fouetté par les embruns. Il était déjà plus de midi et s'il n'y avait pas eu la brise marine, il aurait fait assez chaud pour la saison. Prêts à embarquer dans la gare maritime, les passagers les regardaient d'un œil circonspect. Rhys connaissait le chef de la sécurité du port, un homme des Steinberg, qui les avait laissé passer pour qu'il puisse se garer juste au bord du quai.

– Le prochain ferry est dans une heure.

Il retourna au volant de sa voiture, laissant un Andrea désappointé.

– T'as juste à t'acheter un ticket et rentrer chez toi vite fait.

Le gamin se renfrogna, ramassant son sac pour le hisser sur son épaule.

– Tu crois vraiment que je vais obéir ? Je me suis tapé une journée entière de ferry. Je suis pas venu ici pour faire l'aller-retour. J'étais sérieux, tout à l'heure, dit-il en s'appuyant sur le rebord de la fenêtre.

Rhys secoua la cendre sur le quai, sans le quitter des yeux. Quelques mètres plus loin, les vigiles du port les surveillaient. Ils étaient armés. Les Steinberg aussi étaient sur leurs gardes ces derniers temps. Sans prendre la peine de répondre à Andrea, Rhys fouilla dans la boîte à gant de sa voiture pour lui rendre le portefeuille qu'il lui avait confisqué la veille.

– Tiens. Et tes papiers, aussi.

Andrea les récupéra en ronchonnant mais au moment de les ranger, s'arrêta pour observer la carte d'identité que Rhys lui avait rendu. Il la retourna plusieurs fois, perplexe.

– Hey, c'est pas la mienne. On dirait une fausse.

Rhys se pencha à sa fenêtre et siffla pour attirer l'attention des agents de sécurité, qui avancèrent aussitôt dans leur direction.

– Ce mec a des faux papiers ! leur cria-t-il par la vitre ouverte en désignant Andrea.

Il remonta la glace et remit le contact. Passer par le port lui avait fait faire un sacré détour et il détestait être en retard au travail. En repassant le portique, le chef de la sécurité lui adressa un geste amical et un sourire amusé.

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Les laboratoires Valira ressemblaient à un immense vaisseau futuriste posé juste à côté du quartier d'affaire. Ils étaient situés tout près des hauts immeubles faits de blanc et de verre qui avaient fait la réputation d'Agarèze. On avait toujours célébré les architectes dans la cité, pas toujours pour leur bon goût. Les touristes étaient parfois circonspects devant le centre économique qui prenait des allures de ville de science-fiction. Les habitants étaient bien forcés de faire avec.

Les laboratoires étaient pour majeure partie souterrains et quand il était adolescent, Rhys se rappelait s'être souvent demandé comment cette espèce de navette spatiale blanche et noire, toute entourée de murs blancs, pouvait réussir à produire autant de médicaments pour tous les états fédérés d'Europe. Et comment un prince du Cerbère avait pu laisser construire un bâtiment aussi moche. À présent, il avait développé d'autres sens esthétiques, et appréciait la forme effilée du bâtiment. Il semblait entièrement fait de plaques de métal, d'un blanc lisse et brillant, rehaussé de lignes noires et de grandes baies vitrées.

Bien qu'il ne se fasse plus beaucoup d'illusion, Rhys avait envie de s'occuper au plus vite de cette histoire de drogue, et d'aller faire analyser l'échantillon qu'Andrea avait récupéré. Il voulait au moins être sûr que ce qu'ils avaient consommé n'avait rien d'un nouveau produit miracle ; il ne se rappelait toujours que par bribe du trajet du retour entre le club et chez lui, et il commençait de plus en plus à se demander comment il avait fait pour les ramener sans provoquer d'accident.