Chapitre 10 - 1/3

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Dès les premières heures du matin, Rhys avait appelé le poste de sécurité du labo pour les prévenir qu'il aurait une course à faire avant de prendre son service. Il s'en félicita, car la moitié de la matinée était déjà passée lorsque Bernard put enfin recevoir Andrea dans son petit café.

Garé devant le bâtiment Rhys scrutait les environs en gardant les doigts serrés sur son volant. La moindre voiture qui s'engageait peu trop vite ou un peu trop doucement dans l'avenue le faisait s'aplatir comme un chat à l'affut. Il détestait rester à la vue, en transition sur les lieux de passages. Mais c'était à Andrea que Bernard voulait parler. Pas à lui.

Même Maria avait été mise à la porte, aussi nerveuse que lui. Après avoir fait mine de nettoyer toutes les tables de la petite terrasse, elle s'était allumée une cigarette pour donner le change. Emmitouflée dans son blouson, elle avait l'air de commencer à se les geler. La température, si agréable ces derniers jours, était redescendue d'un coup.

Rhys l'observait dans son rétroviseur, hésitant à lui proposer de grimper, lorsqu'Andrea sortit enfin.

Le jeune homme monta dans la voiture avec un drôle d'air sur le visage. Rhys n'arrivait pas à savoir s'il était heureux, perplexe, ou s'il faisait encore la tête.

– Alors ?

– Je crois qu'il m'a présenté son comptable, répondit Andrea en se grattant la tête.

Rhys dut afficher un air surpris, car Andrea s'empressa d'apporter des précisions.

– Il m'a proposé du boulot. Un truc de bureau.

Rhys acquiesça d'un signe de tête et s'empressa de mettre le contact, les yeux toujours posés sur son rétroviseur.

– C'est bien. C'est ce qu'il te faut. Tu pourras vraiment faire tes preuves dans ce genre de job.

Andrea n'avait pas vraiment l'air convaincu.

– J'ai l'impression que c'est plutôt un truc bien planqué. Mais bon, c'est mieux que rien. J'aurais un pied dans les affaires.

Rhys partageait son point de vue. Il estimait même que c'était un bon début. Cela faisait quinze ans qu'il n'y avait pas eu de conflits majeurs entre les clans. Les types comme lui, les gros bras pleins de muscles, n'avaient plus beaucoup d'intérêts. Les clans préféraient recruter des jeunes diplômés qui n'avaient pas peur de monter des combines obscures. Ils s'affrontaient à coup de gros chèques et de contrats plutôt qu'à coup de mitraillettes.

Rhys allait s'engager sur la route quand il vit Maria ressortir du café et marcher dans leur direction. Elle toqua contre la vitre d'Andrea, qu'il s'empressa de faire descendre. Une bouffée d'air froid envahi l'habitacle.

– Tiens, Bernard m'a dit de te donner ça. Il a dit que ça pourrait te servir.

Elle tendit quelque chose par la fenêtre. Les yeux ronds, Andrea l'attrapa avec un temps de retard.

Un écusson lie de vin, brodé de lettres d'or.

Il le fixa avec un sourire tellement immense que Rhys sentit aussitôt l'agacement revenir.

– Ça va, t'emballe pas non plus, répondit Maria d'un air tout aussi contrarié. Ça veut pas dire que t'es intronisé. Considère que c'est le début de ton apprentissage.

Andrea rangea l'écusson dans la poche de sa veste en se raclant la gorge. Il essayait de ravaler son sourire radieux mais une joie naïve illuminait encore sur son visage. Rhys retint une grimace.

– C'est déjà pas mal. Merci.

Maria les salua. Rhys attendit qu'elle soit rentrée dans le café pour démarrer sous le ciel gris.

– Bon, il sera où, ton fameux job ?

– C'est à... euh... tu sais où c'est ?

Il lui tendit le bout de papier où était griffonnée une adresse.

– C'est pas la porte à côté. Et tu commences quand ?

– Cet après-midi. Bernard m'a dit de repasser au café, quelqu'un m'y emmènera.

Rhys hocha la tête. Il ne perdrait pas une autre demi-journée à faire le taxi. C'était aussi bien. Andrea avait intérêt à éviter les transports en commun pendant quelques temps, et si Bernard l'avait recruté de façon aussi secrète, ce n'était certainement pas pour lui faire remplir de la simple paperasse.

Il avait le sentiment que l'expérience serait très profitable pour calmer les ardeurs d'Andrea.

OmertaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant