Chapitre 9 - 2/3

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L'humeur de Rhys s'assombrit à mesure qu'ils entraient dans Manyaval. Le quartier n'avait rien à voir avec le vieux-centre-ville, et revenir ici remuait en lui des sentiments contradictoires. Sans parler de son corps qui lui faisait encore un mal de chien, depuis leur bagarre de la veille.

Il n'avait pourtant pas le choix. Leur longue promenade du début d'après-midi n'avait rien donné. Il fallait peut-être se monter un peu moins prudent pour trouver quelque chose.

Andrea regardait défiler le paysage avec un air circonspect. Les vitres fumées de la voiture n'aidaient pas à trouver le coin accueillant. Même les façades décrépies des maisons n'avaient pas des couleurs engageantes.

– Je suppose qu'ici, on n'y va pas pour manger des glaces.

– Pas vraiment, non.

Rhys avait mis quelques secondes à répondre, occupé à chercher une place des yeux. Un endroit près du passage, où sa voiture serait visible, et plus difficile à voler.

– Non, laisse, dit-il lorsque Andrea voulut attraper l'écusson Valira dans la boîte à gants. Il vaut mieux qu'on reste discret.

Le timide soleil de la fin d'après-midi éclairait les toitures garnies d'antennes et les balcons rouillés qui croulaient sous le linge. Rhys guida Andrea dans une rue adjacente. Des jeunes jouaient au basket sur un terrain entourés par du grillage. Il leur fit faire un court détour pour ne pas avoir à passer devant.

Il les conduisit jusqu'à une petite maison étroite, coincée entre deux immeubles bas. Toutes les façades étaient aussi décrépies les unes que les autres. La porte d'entrée défraîchie était ouverte, et Rhys passa le premier, avant de faire signe à Andrea d'entrer.

Un homme rondouillard était assis devant l'étroite cage d'escalier. De la musique s'échappait encore des écouteurs branchés à son téléphone. Il les jugea en penchant la tête en arrière, les mains croisées sous les aisselles.

– Qu'est-ce que vous foutez là ? Dégagez.

Rhys fit de son mieux pour rester impassible. Il détestait ce genre de type. Ils voulaient tellement jouer les gros bras qu'ils en devenaient imprévisibles. Il jeta un coup d'œil à Andrea qui était resté dans son dos. Il pouvait voir à sa façon de se tenir que le jeune homme était tendu comme un arc. À côté de Rhys, il avait l'air beaucoup plus petit et plus jeune qu'il ne l'était vraiment. Andrea en avait conscience, encore plus lorsqu'il se faisait jauger comme cela, et ça n'avait pas l'air de lui plaire.

– Je viens voir Manuela, dit Rhys sans se démonter.

Le vigile le dévisagea longtemps, comme s'il attendait une raison de le laisser monter. Rhys arqua les sourcils pour lui rendre son regard insistant, n'ayant aucune intention de se justifier de sa visite. L'homme finit par remuer sur sa chaise en maugréant.

– Ok, c'est bon. Tu peux y aller.

Rhys acquiesça d'un signe de tête et s'engagea vers l'escalier. C'est en passant devant lui qu'il vit le vigile braquer son regard sur Andrea.

Merde. Il voulait faire du zèle.

– Hey là, stop. Toi, tu vas nulle part.

Il se leva pour empêcher Andrea de passer, et Rhys ne remarqua que trop tard le revolver qu'il gardait caché sous ses aisselles. L'homme le braqua directement sur Andrea, à l'horizontale, comme dans les mauvais films qu'il devait passer beaucoup trop de temps à regarder.

Rhys eu juste le temps de voir dans les yeux d'Andrea le moment exact où ce dernier se mit à paniquer.

La seconde d'après, le revolver volait dans les airs.

OmertaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant