Le Temps Des Sortilèges - Tome 1- Dame Blanche

XI

Guillaume sauta sur sa monture noire, que son écuyer avait efficacement préparé suite à ses ordres. Deux semaines s'étaient écoulées depuis la disparition de la démone. Mais malgré le temps, elle restait désespérément ancrée dans sa mémoire comme une moule s'accroche à son rocher. Il attrapa les rênes de cuire pour enrouler autour de ses mains gantées, puis fit claquer sa langue afin lancer Raven au galop. Il n'eut même pas besoin de guider sa monture, puisque celle-ci le mena d'elle même à destination, effectivement le trajet parfaitement était ancré dans les habitudes de la bête.
Une fois rendu face à l'imposante masure des Trois Barriques, il sauta avec arrogance de son ténébreux destrier qui se laissa docilement conduire aux écuries par la suite.

En entrant dans l'auberge, il fut immédiatement plongé au cœur de l'atmosphère joviale du bordel. Les hommes semblaient détendus, et buvaient à grandes lampées l'alcool qui coulait à flot. Ce début de soirée s'annonçait plutôt bien même si la famine se faisait de plus en plus présente et quelle annonçait un hiver plus que rude. Il rejoignit le coin de la pièce où étaient attablés quelques uns de ses hommes, qui l'accueillirent avec de grands éclats de voix et des vigoureuses accolades. Tristan se tenait parmi eux, et paraissait déjà un peu éméché.
Guillaume était satisfait d'échapper au protocole qu'il se devait d'appliquer devant ses troupes à cause de son rang, et de la crainte qu'il leur inspirait. Cet établissement était sans l'ombre d'un doute la meilleure échappatoire au masque froid qu'il devait porter en dehors de ces murs. L'alcool jouait un rôle considérable, mais ce n'était pas pour lui déplaire. Il avait une sainte horreur de l'étiquette qui lui imposait une apparence exemplaire, comme une seconde peau ne lui correspondant pas.

" Alors, Mon'sgnieur! Vous êtes bien en forme pour ce soir ? Ça faisait un bon moment qu'on ne vous avait pas vu ici !

- Oui. En effet j'avais quelques problèmes à régler, fit-il pour ne pas s'étendre sur le sujet qui le tracassait sans relâche. Le problème en question étant l'ineffaçable image d'une chevelure de feu, d'un regard angélique, et cependant un caractère diabolique cachant pourtant une candeur incroyable et pour finir des formes voluptueuses, lui trottait dans un coin de la tête, sans vouloir lui laisser de repos le jour comme la nuit.

Mais s'il ne voulait en aucun cas en parler, c'était sans compter sur la discrétion de son cousin, qui développait une seconde nature lorsqu'il se laissait aller aux plaisirs de la boisson.

" Tu penses encore à la démone ! S'exclama-t-il en le pointant du doigt, d'un air goguenard.

- Non. Je ne vois même pas de qui tu parles. Qu'on m'apporte à boire ! Trancha-t-il coupant ainsi court à la conversation.

- Mais si tu vois très bien de qui je parle. Tu n'as pas oublié ?! Et sache que ce n'est pas en tentant de noyer dans l'alcool des problèmes qui visiblement flottent, que tu vas y parvenir.

Voyant que son compagnon feignait d'ignorer délibérément ses paroles lourdes de sens, Tristan renchérit, plus pesant que jamais.

" Mais si, tu sais, cette...comment la décrire... Cette...douce jeune femme.

À ces paroles Guillaume s'étouffa avec la bière fraîche et mousseuse qu'Eléonore venait de lui servir, accompagnée d'un regard enjôleur. Il n'y prêta d'ailleurs aucune attention, trop occupé à ne pas mourir étranglé par sa boisson, songeant à l'aberrant adjectif qu'avait employé le jeune homme blond.

" Douce...jeune femme? Douce? Nous ne parlons certainement pas de la même femme. La MIENNE est une calamité lâchée par Dieu pour me punir! Elle hante mes pensées jour et nuit, je ne l'ai pas oublié un seul instant,ni son caractère flamboyant, ni les traits de son visage... démoniaque...aussi parfait soit-il!!