Le Temps Des Sortilèges - Tome 1- Dame Blanche

XVIII

Alors qu'elle était plongée dans un profond sentiment de nostalgie et de mélancolie, trois hommes firent irruption dans la salle, discutant de vive voix. Ces personnes, Blanche n'avait pas besoin de se retourner pour deviner qui elles pouvaient bien être. Les premières paroles qu'elle avait entendu n'était autre que celle de l'agaçant seigneur dont le timbre rauque était devenu familier au cours des dernières semaines. La seconde voix était celle de son sauveur de la nuit passée. Et la troisième lui semblait également connue. Peut-être était-ce cet homme blond qui accompagnait souvent le géant brun au cours de ses visites au bordel.

Quoi qu'il en fût, les trois compagnons arrêtèrent immédiatement de parler lorsqu'il l'aperçurent. La jolie demoiselle se figea en sentant leur regard lui brûler le dos. Elle n'avait pas osé se retourner lorsqu'ils avaient pénétrés dans la pièce, mais maintenant que leur attention était portée sur elle, elle n'arrivait même plus à respirer, et elle réalisa qu'il se dégageait d'eux une aura de puissance intense. Elle feint d'être totalement absorbée par la contemplation de la tapisserie devant elle, pour éviter d'avoir à leur faire face, mais Guillaume de Cheralye ne put s'empêcher de se positionner juste derrière elle, et de lui toucher l'épaule. Elle sursauta, et tourna vivement la tête pour croiser son regard acier.

" Bonjour ma Demoiselle. Commença-t-il, légèrement inquiet face à la mine paniquée de sa protégée. Vous n'auriez pas dû vous lever, votre corps est encore fragile si je puis me permettre...

Blanche déglutit péniblement, mais une fureur sans nom se déversa dans ses veines lorsqu'il lui adressa ce reproche discret.

" Fragile ? Moi ?? Non je ne vous permets pas ! Seigneur de mes deux... on va voir qui est encore fragile quand vous aurez mon pied là où je pense... Je vous en foutrais des "fragiles" à la con" S'indigna-t-elle intérieurement mais s'abstenant toutefois de faire des menaces.

Pourtant il n'avait rien dit de méchant, mais la colère sourde qui étouffa la jeune femme était bien difficile à réprimer, comme si le démon de la veille avait imprimé en elle une partie de la colère dévorante qui l'habitait. Elle se demanda tout de même un instant pourquoi était-elle énervée à ce point, avant de se rappeler combien de problèmes s'étaient accumulés depuis son arrivée et qu'elle était totalement perdue dans ce monde d'étrangetés. Elle ne voulait qu'une seule chose, partir d'ici et rentrée chez elle, à Son époque, dans Sa ville moderne, avec Sa famille, Ses amis, Son lycée, Son quotidien ordinaire et sans incident d'adolescente sans histoire.

A cet instant ci, une vie banale était la seule chose à laquelle elle aspirait, mais plus elle observait sa  situation, son entourage et les personnes lui faisant face, plus elle se rendait compte que ce désir était inaccessible. Elle était coincée dans cette époque maudite, peuplée d'oiseaux qui parlent, de démons, de moines magiciens et de seigneurs extrêmement scotchants...

Elle se sentait parfois tellement, loin de son passé qu'elle en venait même à oublier son véritable prénom, Natacha... ce prénom, qui avait une résonance lointaine, qui était cette véritable identité qu'elle voulait cacher, l'unique vestige de sa vie d'antan, son bien le plus précieux. Elle aurait voulu leur hurler à la figure qui elle était vraiment et qu'elle voulait retourner de là d'où elle venait, mais pourtant, elle le savait, après ce choix de taire qui elle était, elle se devait d'incarner pleinement le personnage de cette Blanche, une jeune aristocrate en cavale venue de loin, cette fille intrigante mais qui avait su toucher les cœurs des petites gens du village, cette Blondinette qui semblait également s'attirer tous les problèmes possibles et imaginables à des kilomètres à la ronde. Qui irait croire des propos annonçant qu'elle venait du futur ? Personne, elle en était persuadée et elle finirait comme torche vivante aux portes de la ville où dans un hospice pour les fous.