XXV

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          Au fur et à mesure qu'elle s'approchait du champ de bataille, Natacha regretta son soudain élan de courage et de bravoure. Quand elle prenait un peu de recul sur cette décision de foncer littéralement tête baissée dans le chaos qui faisait rage à seulement quelques dizaines de mètres d'elle, il ne lui était pas difficile de comprendre que cela n'avait rien de courageux mais que sa fierté débordante lui avait joué un tour, au point de lui faire prendre une décision pour le moins stupide, si l'on y réfléchissait bien.

Alors que seulement une infime distance la séparait à présent d'une mort presque certaine, la jeune fille se cacha derrière une énorme barrique vide, laissée à l'abandon près du pont levis, afin de pouvoir faire le point sur ses chances de survie et sur l'état de la situation. Elle était si proche des combattants qu'elle pouvait entendre clairement l'entrechoquement violent des épées, le sifflement des flèches ainsi que les cris d'agonie des hommes qui perdaient la vie. Se risquant à sortir de son abris pour jeter un œil sur le carnage, elle prit peur en constatant que l'assaillant semblait avoir l'avantage pour le moment, malgré toute la détermination dont faisaient preuve les chéralyens. La seule bonne nouvelle se résumait au fait que les cadavres n'étaient pas à compter par centaines, malgré le nombre de blessés qui semblaient s'accumuler à une vitesse affolante.

Après avoir fait le point, la blondinette en déduisit que l'ennemi n'avait pas pour but de les éliminer, du moins pas tous, mais qu'il cherchait davantage à les soumettre. Certainement pour mieux pouvoir les capturer "tous les trois". Après coup, un autre détail la frappa. Les soldats ennemis ne semblaient pas agir d'eux-mêmes, leur regard vide comme des trous noirs ne reflétait rien d'autres que la soumission, comme si un envoûtement les tenait tous obéissants, tel de vulgaires marionnettes. 

Elle avait finalement décidé d'accepter les phénomènes de magies et de sorts qu'avait tenté de lui raconter frère Athanase et Gabriell. Il y avait bien trop d'invraisemblances dans sa vie pour que tout ne fut que le fruit du hasard.  Ceux qui tiraient les ficelles, et elle n'avait pas le moindre doute là-dessus, n'était autre que le groupes d'individus étranges resté en retrait, comme elle avait pu le constater sur le chemin de ronde. Mais, si comprendre ce qui se tramait sous ses yeux la réconfortait quelque peu, elle ne parvenait tout de même pas à trouver une solution pour libérer tous ces hommes de  l'enchantement qui semblait les tenir prisonniers, à la merci des êtres maléfiques dans le fond du décor. 

Alors qu'elle cherchait un moyen d'intervenir, un hennissement se fit entendre et un cheval gris traversa le pont levis, scellé et bridé, mais sans la moindre trace de son cavalier. Comprenant que celui avait certainement dû chuter durant la lutte, la jeune femme prit son courage à deux mains, et s'élança vers la bête, dont elle saisit les rênes, se donnant pour première mission de calmer l'animal et de le prendre pour monture. Une fois l'étalon docile, la jeune fille monta sur la scelle de celui-ci tout en déchirant son bliaut qui entravait ses mouvements, dévoilant ainsi une grande partie de ses jambes. Une fois installée, le froid hivernal vint titiller la peau sensible de la jeune fille qui frissonna avant de se diriger vers la bataille. Mais alors qu'elle s'apprêtait à s'engager sur la palissade de bois, une présence s'installa à ses côtés, présence qu'elle reconnue sans mal comme étant tout simplement Gabriell,  qui avait tout de même pris son temps pour la rejoindre.

"Bon... Eh bien que comptes-tu faire à présent pour sauver tout le monde comme tu le désires, afin de mener "TON combat" ? Sans arme, sans protection, sans but, sans... rien, si je ne m'abuse? La nargua la chouette courroucée et bien décidée à lui faire regretter d'être partie sur un coup de tête.

-Je n'ai pas rien, j'ai un cheval, je te signale ! Répliqua la jeune demoiselle furibonde mais tout de même consciente que l'oiseau avait parfaitement raison. Et je ne compte pas tuer qui que ce soit, si c'est cela que tu entends par "ce que je compte faire".  Ces hommes contre qui nous nous battons sont des innocents... Ils sont victimes d'un enchantement ou d'une sorte d'hypnose qui les contraint à agir contre leur gré, j'en suis persuadée. Et je pense que les responsables sont ces personnes au loin. Si j'arrive à les atteindre, je devrais pouvoir briser cela.

Le Temps Des Sortilèges - Tome 1- Dame BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant