XXXI

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               Guillaume venait "enfin" de plus ou moins accepter son rôle, l'air contrit, mais au grand soulagement des six autres Dons qui avaient retenu leur souffle pratiquement tout du long. Alors qu'il donnait son accord pour le départ, pour le moins impromptu, dans lequel les lançait le frère Athanase, une masse noire et rapide fendit l'air tel un mirage avant de se poser à ses côtés sur l'accoudoir droit de son élégant fauteuil. Le jeune homme, reconnaissant le milan noir suiveur, eut un brusque mouvement de recul, voulut chasser le volatile en s'éloignant et en battant l'air de sa main. Cependant, celui, bien plus vif, attrapa dans son bec le haut de la manche de sa tenue et la déchirant d'un coup sec. Les yeux ronds comme des billes, le géant toisa alors le rapace avec dureté non feinte, comme s'il voulait le décourager de toutes autres tentatives d'agression. Mais l'intéressé ne partageait visiblement pas le même avis, et le lui fit bien comprendre en poursuivant son œuvre. Il posa ensuite sa tête sur l'épaule musclée de son futur protégé, et une douleur fulgurante se propagea sur la chaire du jeune homme. A ce contact, l'oiseau de jais scella le pacte qui les liait, et mit le seigneur face à son destin. 

Natacha se rappela alors l'épisode de la grotte mystérieuse où Gabriell l'avait conduite, et avait  "signé" sur sa peau leur union de la même manière. Le souvenir qu'elle en avait n'était pas le plus agréable, il s'agissait même de l'un des plus douloureux. La grimace que fit le seigneur lorsque l'oiseau retira sa tête de son épaule, lui confirma que ce rite de passage avait été le même pour tous. Elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil à Gabriell qui avait élu domicile sur un perchoir, dans un coin de la grande-salle et qui observait la scène d'un œil satisfait.

Furieux de l'attaque , Guillaume voulut chasser l'oiseau noir d'un ample revers de main, mais celui-ci usa de sa célérité pour s'envoler bien avant que le jeune homme n'atteigne sa cible avant de rejoindre la majestueuse Dame Blanche dans son recoin de pénombre de la pièce. Le châtelain se leva, furibond, en marmonnant un chapelet de jurons fleuris à l'adresse du rapace, avant de quitter ses invités qui ne se trouvaient pas le moins du monde étonnés par la scène qui venait de se dérouler. Tous imitèrent leur hôte et quittèrent un à un la salle pour regagner leurs appartements, pour une nuit de sommeil réparateur bien méritée après cette journée méritant amplement la qualification de "riche en émotions".

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A l'aube naissante du lendemain, une fois que le jeune seigneur eut mis tout son château au courant de son départ, et grâce au bouche à oreille incessant qui permettait aux informations de circuler aussi vite que l'éclair, dans le domaine entier, les servantes se mirent rapidement en action, préparant des malles d'affaires de route et astiquant les armes de leur châtelain, comme il leur avait prescrit. Alors que tout les gens du jeune homme brun couraient dans tous les sens pour mettre en œuvre le projet de leur maître, celui-ci restait enfermé dans ses appartements, et semblait préparer des missives à l'avance pour que Tristan puisse occuper ses fonctions sans s'en soucier. Détestant la paperasse au plus haut point, c'était donc avec une "immense motivation" que le géant aux yeux d'acier parvint à finir de rédiger ce qu'il s'était imposé. Il classa les papiers en un tas ordonnée, et se leva pour quitter la pièce, à la recherche de son cousin. 

Il le trouva en compagnie de la dame de ses pensées, qui avait dû trouver bien ennuyeux de rester cloîtrée de sans chambre comme il le lui avait pourtant demandé. Il n'aimait pas savoir la jeune femme n'importe où dans les immenses couloirs de la forteresse, craignant qu'elle ne se perde, ou qu'elle se fasse agressée ou pire encore, courtiser par l'un de ces freluquets sillonnant le château. Mais, elle ne paraissait pas encline à suivre ses directives et ce, depuis leur première rencontre, il lui était plus rare d'obéir à ses lois que de les enfreindre. Il dut donc se rendre à l'évidence... Elle ne lui obéirait pas de ci-tôt.Maudissant le fait qu'elle prenait tout à la légère, il s'approcha d'un air sombre. Au moment où il interrompit leur échange, la jolie blondinette rit, le salua d'un sourire avant de s'adresser à Tristan:

Le Temps Des Sortilèges - Tome 1- Dame BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant