Le Temps Des Sortilèges - Tome 1- Dame Blanche

XXVIII

" Je pense qu'une explication ne serait guère de trop, frère Athanase, asséna  d'une voix cassante un Guillaume plus que désireux de comprendre ce qui ce tramait sous ses yeux, coupant court à la conversation des deux hommes.

Aussitôt, le moine et son camarade dévisagèrent rapidement le châtelain, avant de se jeter à la dérobée un regard entendu. Natacha s'approcha du groupe d'hommes, et pinça nerveusement les lèvres. De toute évidence, le géant brun allait devoir faire face à une réalité tout autre, dont il ne devait probablement pas soupçonner l'existence...  Quoique, étant donné qu'il en avait déjà vu beaucoup, peut-être ne serait-ce pas trop dur de le convaincre de l'existence de ce monde d'étrangetés vivant tranquillement parmi les hommes. 

" Nous allons discuter de tout cela à l'intérieur, si vous le voulez bien. Le temps que les autres nous rejoignent. Incita le vieil homme d'Église avec un geste éloquent  de la main , désignant l'immense entrée de la forteresse. 

- Ah parce qu'il y en a d'autres maintenant ? Mais enfin, par tout les Saints du Ciel, de qui parlez vous ? Comment se fait-il que je n'arrive point à comprendre ce qu'il se passe céans!?  Buta le seigneur, dont la colère était palpable. 

Natacha  ayant senti que la situation dérapait dangereusement, intervint dans la discussion, au grand soulagement du vieux frère, qui semblait ne pas savoir comment s'y prendre pour faire bouger le jeune homme:

" Allons y, seigneur, fit-elle en le poussant gentiment, le froid commence à m'incommoder... "

Guillaume baissa les armes face à la supplique de la demoiselle et se laissa guider docilement en passant un pan de sa lourde cape sur les épaule de la jeune fille qui ne refusa pas, la température se faisant réellement douloureuse pour ses membres gelés. Gabriell, d'un battement d'aile paisible, les suivait silencieusement tout en jetant quelques coups d'œil à la dérobée aux deux jeunes gens comme si leur proximité n'était pas désirée. 

Mais si sentir le corps de la Dame de ses pensées contre le sien, lui apportait quelque apaisement, le châtelain ne put s'empêcher de trembler de rage tant la frustration d'être maintenu dans l'ignorance était grande. Ses mâchoires serrées trahissaient sa colère,et son regard d'acier transperçait quiconque le croisait. Heureusement pour la jolie blondinette, l'homme était bien trop grand pour qu'elle ne puisse croiser ses yeux d'assassin, et elle se contentait passivement de le suivre appréciant bien malgré elle la chaleur de l'étreinte qu'il lui offrait alors qu'ils traversaient les pavés gelés de la première cour.

Le jeune seigneur ne supportait pas son maintien à l'écart quant aux phénomène que tous semblait comprendre, et il était dans un flou total et frustrant. Même Blanche n'avait pas l'air plus étonnée que cela, ce qui l'enragea davantage. N'était-il pas le maître des lieux? Ne devait-il pas être le premier au courant des affaires qui se tramaient sur ses terres? Ses muscles se tendirent et il aurait bien volontiers laisser aller sa colère sur les quatre personnes qui l'entouraient. Ce fut son unique volonté qui parvint à apaiser la noirceur de son cœur et l'empêcher de s'en prendre à eux. 

Une fois arrivés, il indiqua aux trois hommes qui le précédaient, d'entrer dans la grande salle et de s'y installer. Frère Athanase ne se fit pas prier pour entrer, suivit de près par son compagnon à l'allure de fermier. Ce geste fut également imité par l'arrivant de dernière minute qui salua néanmoins poliment le maître des lieux d'une légère courbette avant de reprendre sa route. Guillaume bloqua l'accès de son corps massif, lorsque ce fut au tour de Natacha de rentrer dans la pièce.  Surprise, elle le dévisagea un bref instant, avant qu'il ne l'interroge sans passer par 4 chemins :

" Que savez vous, exactement?

- Comment cela...? Balbutia la jeune femme, prise au dépourvu.

- Je ne suis pas aveugle, ma demoiselle, j'aimerais que vous m'instruisiez de votre connaissance...Je devine que vous n'êtes pas ignorante des phénomènes étranges auxquels nous étions confrontés il y a à peine un instant. Me méprendrais-je en disant que vous en savez long sur l'état des choses?"