Le Temps Des Sortilèges - Tome 1- Dame Blanche

XIV

De son côté, Natacha se prélassait négligemment dans les sources chaudes. Le petit bassin d'eau méritait bien son nom, puisque l'eau était délicieuse, à une température parfaite pour son corps fatigué. Il faisait froid, si bien que quelques volutes de vapeur s'échappaient de la surface plane. Blanche s'amusa à souffler longuement, créant comme de la fumée blanchâtre au dessus d'elle. Elle s'était déshabillée et avait laissé ses vêtements au bord de l'eau, à porté de main. Elle prit du large pour se retrouver au centre du petit lac, mettant à profit quelques mouvements aquatiques pour étirer ses muscles endoloris. Elle avait à peine pied, et bientôt, elle nageait aussi librement qu'un poisson. Ses cheveux s'étalaient à la surface, exceptées quelques mèches qui s'enfonçaient dans l'eau clair, révélant ainsi leur sublime teinte vénitienne. La jeune femme entreprit de se frotter la peau avec l'onguent de lavande qu'on lui avait prodigué, et la douceur du parfum envahit ses narines, et imprégna son épiderme.

Guillaume, qui venait tout juste d'arriver sur les lieux, fut saisit par la beauté de la scène à laquelle il assistait. La splendide créature se tenait là, nue, comme la plus pure des nymphes. L'eau montait jusqu'à la naissance de sa poitrine, laissant ses épaules frêle à l'air libre. Le jeune homme aurait bien voulu en voir plus, mais la chevelure de la demoiselle cachait ses courbes appétissantes de son regard hagard. Bien qu'il fut encore éméché par les effets de l'alcool ce qui le rendait plus hardi, le seigneur se retint de l'approcher directement, de peur de l'effrayer. Aussi, il se dévêtit de ses atours, et se dirigea un peu plus loin pour se glisser dans la source. Le mélange de l'eau chaude et de l'air glacé l'aidaient à émerger quelque peu de son état d'ivresse, cependant il demeurait dans une sorte de léthargie qui l'empêchait d'avoir les idées complètement claires. Il avança vers elle, aussi prudemment que l'eût fait un chasseur pour une biche. Sa discrétion était telle que la jeune femme ne s'aperçut nullement de sa présence, jusqu'à ce qu'il soit seulement à quelques centimètres de son dos.

Sentant une respiration sur la chaire de ses épaules, Blanche se retourna et faillit hurler de terreur en se retrouvant face au jeune Seigneur de Chéralye. Elle voulut sortir de l'eau mais se souvint de la limpidité de celle-ci, et préféra cacher son corps avec ses mèches de cheveux. Elle piqua un fard en remarquant qu'elle était face au torse glabre et musclé de son tortionnaire, et détourna vivement le regard, tout en se recroquevillant pour se faire la plus petite possible. Néanmoins, les doigts du jeune homme saisirent son menton et l'obligèrent à le regarder dans les yeux. Le contact fit frémir la demoiselle, et Guillaume sentit les pointes du désir venir aiguiller ses sens, le tout décuplé l'alcool.

"Que faîtes vous là? Grogna-t-elle, avec difficulté, sans pouvoir oublier le fait qu'ils étaient tout deux nus dans une étendue d'eau chaude.

- Comme vous. Je me détends. Ricana-t-il, sans enlever ses doigts de la peau délicate de son interlocutrice.

- Écoutez, nous pourrions peut-être nous habiller pour discuter plus...sereinement...proposa la jeune femme, rouge de honte en tentant de s'écarter de lui. La situation n'est pas tout à fait propice, il me semble...

- Oh mais je suis parfaitement serein pour ma part...Souffla-t-il, de sa voix grave et suave parfaitement conscient du malaise plus que flagrant de sa prisonnière. Mais peut-être n'en est-il pas de même pour vous?

Blanche refusa de se départir de sa superbe et lui envoya le regard le plus hautain qu'elle pu. Son insolence ne laissa pas de marbre le beau seigneur qui se fit un plaisir de l'enfoncer plus encore:

" C'est la proximité qui vous déplait? ou bien le fait que nous soyons dans les plus simples appareils...ou peut-être les deux?

- Cessez ces palabres stériles, nous ne sommes plus des enfants ! Reprocha-t-elle en grinçant des dents.