Chapitre 1

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Seule. J'avais toujours été seule. Ainsi assise sur mon lit, dans un coin de mon immense chambre, du moins pour ce que j'en pensais, et qui ne contenait pourtant qu'un bureau, la chaise qui lui était associée, ledit lit et quelques meubles de rangement. Cette solitude, pourtant, ne m'avais jamais dérangée. Cette solitude, c'était moi qui l'avais choisie depuis bien longtemps. J'avais toujours été différente des autres, et rien ne pouvait modifier cela, même en le voulant jusqu'au plus profond de moi-même.

C'était le genre de mots auxquels je pensais souvent, dans les moments comme celui-ci, quand je n'étais pas installée à mon bureau, à griffonner des tas et des tas de dessins et de croquis. C'était une des seules passions que j'avais toujours eue, celle qui m'occupait quand l'ennui était trop grand. Le reste du temps, je le passais à me morfondre en pensant que ça ne valait pas le coup de vivre si une vie devait ressembler à la mienne. La vérité était dure, mais avec les années, je m'étais bel et bien convaincue que je ne pouvais que disparaître, et encore mieux, ne pas être née, ne pas avoir existé.

Je sursautai lorsque j'entendis toquer à la porte de ma chambre. Toutes les personnes que j'avais croisées, personnes autres que mon père, et ce principalement dans mon enfance lorsque j'avais une vie encore plus ou moins normale, disaient que j'avais l'air froide, que je n'avais pas l'impression d'avoir réellement une âme, que je paraissais vide. Je savais qu'ils avaient raison, les seules fois où j'avais montré de l'intérêt pour quelqu'un, cela avait toujours failli tourner au drame.

Si j'étais ce que j'étais, je ne refusais jamais d'aller ouvrir à mon père, alors je me levai tout de même de mon lit et marchai lentement jusqu'à la porte, passant devant mon miroir accroché à la porte de ma petite armoire située entre mon lit et la porte de ma chambre. Je me regardai un instant sur la vitre, mais détournai bien vite le regard de ces yeux rouges et cette peau livide. Je n'aimais pas mon apparence, je n'aimais pas me regarder, et pourtant je n'avais jamais eu le courage de couvrir ou d'enlever ce miroir que je détestais tant.

Lorsque j'arrivai à la porte et que je l'ouvris, mon père était toujours là, malgré le temps que j'avais mis à venir. Mais après tout, il en avait l'habitude, il s'était toujours occupé de moi et me connaissait mieux que personne. Son visage encore jeune, quoiqu'un peu ridé, me souriait. Je me demandais pourquoi toujours ce sourire en ma présence, et pourquoi était-ce le seul à encore vouloir de cette même présence? Je ne lui en aurais jamais voulu s'il m'avait laissée tomber. Sa voix quand il s'adressa à moi était fidèle à la façon dont il m'avait toujours parlé, avec douceur. C'était du moins ce que je me faisais de l'idée de la douceur.

- Tu viens manger, ma puce ?

Je hochai la tête et le suivi dans les escaliers menant à la cuisine. Une odeur flottait dans l'air, mais je ne la reconnu pas, pour moi elles étaient toutes pareilles, fades et sans réelle saveur. Je m'asseyais à table, et mon père me rejoignit avec une casserole et une poêle. Alors nous avalions silencieusement notre steak et nos patates, comme à notre habitude. Mais après cinq ou dix minutes, mon père me demanda :

- Est-ce que ça te dirait de venir te promener avec moi cette après-midi ?

Je secouai doucement la tête en signe de négation. Il fronça un peu les sourcils, mais plus en signe d'inquiétude que de colère. A vrai dire, je l'avais très rarement vu en colère. Du moins, pas envers moi.

- Cela fait déjà trois semaines que tu n'es pas sortie, ma grande, regarde-toi, prendre le soleil te ferais le plus grand bien.

Je n'aimais pas inquiéter mon père. C'était bien la seule personne dont je me préoccupais, car elle était aussi la seule que je côtoyais et la seule qui s'était occupée de moi d'aussi loin que je me souvienne. Je fis donc entendre ma voix pour la première fois de la journée afin de lui répondre :

Vampire Hunters (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant