Le silence des mots (1)

TEXTE 4

UN SOIR, JUIN 2018

Je suis juste fatiguée.
Ne vous souciez pas de moi.
Tout va bien.
Je ferme les yeux, parce que c'est moins douloureux.
Tout va bien.
Ne vous inquiétez pas.
Je suis juste fatiguée.
Ne me faites aucune remarque.
Je ne veux pas de pitié.
Rien.
Juste du silence.
Chut.
Écoutez.
Ne plus parler.
Ne plus penser.
Ne plus faire les choses à moitié.
Ne plus avoir peur.
Non. Je veux ressentir de nouveau.
Depuis quand est-ce que j'ai arrêté de vivre ?
Depuis quand est-ce que je me force à sourire ?
Depuis quand ai-je envie de partir.
De tout fuir.
D'abandonner ?
De lâcher prise.
De voyager.
De m'enfuir...
Sauve qui peut.
Courir le plus vite possible.
Ou courir moins vite et terminer plus loin ?
Être simplement heureux.
Ou toujours chercher mieux ?
J'ai peur.
Qu'ils m'aient arraché ma joie de vivre.
Au voleur !
J'ai peur.
Qu'ils aient réussi à capturer mon sourire.
Mes envies.
Mes passions.
Ils critiquent.
Je critique.
Nous critiquons.
Et ça blesse.
On fini par y croire.
T'es moche !
Non. Ou peut-être que si.
T'es maigre !
Non. Ou peut-être que si.
T'es grosse !
Non. Ou peut-être que si.
Tu rigoles trop !
Tu souris bizarrement !
Tu es trop vieille !
Tu es trop jeune !
Tu es une fille !
Tu es un homme !
Non. Enfin si. Mais et alors ? Ou peut-être que si.

Mais je continue.
Enfin j'essaie.
Parce que ce qui me tuerai le plus, c'est de les savoir gagnants.
Non.
Ils n'ont pas le droit.
Alors, à demain matin !

Bonne nuit, à toi Monsieur ou Madame X.
XOX !

On nous dit qu'on a le choix.
Mais est-ce vraiment le cas ?
On nous dit qui être.
Mais en ont-ils le droit ?
J'avance sans savoir vraiment où.
Je suis.
Je me module pour rentrer dans la norme.
Et ça me révolte !
Ça me révolte parce que aujourd'hui j'aime le silence et la tranquillité et qu'encore hier j'adorais crier, rire et me chamailler.
Ils m'ont cassé.