Chapitre 9

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Amara s'assit dans un fauteuil, la douceur du tissu et le confort du siège contrastant avec l'état de grand énervement dans lequel elle se trouvait. Elle pouvait entendre, vaguement, que la discussion avait repris, dehors, mais qu'elle était redevenue beaucoup plus calme. Sa mère semblait avoir cessé de pleurer. Elle se demanda, soudainement, ce que faisait don Diego chez eux à cette heure-là. Était-il venu avec le sergent Garcia, peut-être, en apprenant ce qu'il en était de don Alvaro ?

Amara n'arrivait pas à se résoudre à penser à lui. Le simple fait qu'il lui soit désormais interdit de le voir aurait pu lui donner plus envie que jamais d'aller le voir. Encore une semaine plus tôt, elle aurait été capable de désobéir à un ordre aussi direct que celui que venait de lui donner son père. Elle aurait ignoré les larmes de sa mère et aurait couru lui assurer que cela ne changeait rien. Mais maintenant... qu'il ait des dettes ou non, peu importait. Amara ne l'avait plus revu, et même si elle avait toujours trouvé agréable de discuter avec lui, elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était un problème de réglé. Elle s'était débarrassée d'une attache et aurait désormais plus de temps pour s'occuper de Sombra.

Mais, en même temps, elle se sentait coupable de ressentir cette infime pointe de soulagement ; après tout, l'homme l'avait protégée de sa pauvreté, l'avait toujours maintenue à l'écart avec respect et honneur pour elle. Les insultes qu'avaient proféré son père à son égard n'en étaient qu'encore plus injustes.

Elle ne comprenait d'ailleurs pas comment il avait pu se retrouver avec de telles dettes. Elle ferma les yeux, se concentrant pour penser à autre chose, car elle se sentait prête à éclater en sanglot. Elle n'avait jamais ressenti un tel mélange de frustration, d'énervement, de tristesse et de culpabilité. Elle se laissa retomber en arrière, la tête contre le fauteuil, et ouvrit les yeux, fixant le plafond.

Soudain, Ana entra dans la pièce, un air inquiet peint sur son visage si rond aux yeux larmoyants, suivie de près par don Diego. Amara resta silencieuse, sans bouger. Ana s'approcha d'elle, s'agenouilla au pied du fauteuil dans lequel elle était assise, et lui prit la main dans la sienne. Elle resta quelques secondes silencieuse.

- Votre père s'en veut énormément, señorita. Laissez-lui le temps de se calmer, et il vous présentera ses plus sincères excuses...

- Je le sais bien... merci, Ana.

Amara ne dit cependant rien d'autre. Elle voulait la paix, mais n'osait la demander. Elle regardait toujours obstinément le plafond. Elle ne savait où se trouvait don Diego ; il se déplaçait trop silencieusement pour qu'elle puisse l'entendre marcher. Dans le patio, sa mère haussait la voix. Elle avait définitivement cessé de pleurer.

- Je suis sûre que tout se passera bien, señorita. Il doit y avoir une erreur, le señor Alvaro ne peut pas avoir autant de dettes... Et le señor Zorro rétablira la vérité !

A la mention du nom de Zorro, Amara baissa la tête et regarda Ana droit dans les yeux, apercevant au passage don Diego qui l'observait, debout devant la fenêtre qui donnait sur le patio.

- Oh, Ana ! je n'en crois rien. Je serais déçue si Zorro intervenait. Ce n'est pas son rôle. Si don Alvaro a des dettes, alors il doit payer, d'une manière ou d'une autre. C'est la loi. Si Zorro commence à combattre l'injustice en se créant sa propre idée de la justice, alors je ne sais pas où tout cela s'arrêtera.

Ana hocha lentement la tête, comprenant où la señorita voulait en venir. Amara lui adressa un sourire posa sa main sur la sienne et la pressa un instant avant de retirer ses deux mains et de se lever. Ana imita son mouvement et resta à côté du fauteuil. Amara s'approcha de la table, réfléchissant profondément.

SombraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant