Sombra

Chapitre 15

Zorro galopa longtemps, Sombra à ses trousses. Elle n'arrivait pas à le rattraper, mais elle sentait qu'Adagio faisait de son  mieux pour arriver à la hauteur du  magnifique étalon noir avec lequel il partageait une adoration sans pareille pour la vitesse. Lorsqu'enfin il s'arrêta, ce fut dans l'ombre d'un bosquet, sur le long d'el camino real. Sombra sentait une fatigue immense s'installer en elle, et ses muscles étaient tellement tendus qu'elle était persuadée qu'elle n'arriverait jamais à rentrer jusqu'à chez elle. Ses fesses étaient tellement douloureuses qu'elle ne les sentait presque plus. 

- Pas de blessure? fut la première chose que lui demanda Zorro.

Elle hocha la tête négativement, passa un doigt sur le sang séché qui constellait son visage et qui n'était pas le sien. Et enfin, la réalité la frappa: elle avait vu un homme mourir, ce soir. Non, deux, se souvint-elle. Il lui semblait que la mort du complice tué par Rodrigo remontait au moins à plusieurs jours en arrière. Elle se laissa tomber d'Adagio qui s'éloigna légèrement et s'assit par terre.

- C'était très courageux, de sauver don Fernando. Il devient de plus en plus dangereux de sortit la nuit, avec tous les pièges qui se tendent...

Cette fois-ci, Sombra hocha la tête positivement. Elle se sentait en sécurité en compagnie de Zorro. Il descendit également de son cheval qui rejoignit Adagio. Il attendit patiemment que Sombra ait repris ses esprits et la regardait attentivement tandis qu'elle restait silencieuse. Puis son regard retrouva toute sa curiosité lorsqu'elle se tourna dans sa direction, posant pour la première fois ses yeux sur le visage de Zorro. Elle eut la certitude que ce n'était pas la première fois que leurs yeux se croisaient.

- Il vaut sûrement mieux que je vous mette au courant de ce que j'ai appris ce soir, annonça-t-elle, car je ne serai pas de taille à lutter seule contre tout cela...

- A nous deux, nous y parviendrons, si vous acceptez l'alliance que j'aimerais vous proposer.

Sombra se tut. La première chose qui la frappa fut le degré de politesse avec lequel Zorro s'entretenait avec un prétendu enfant. Puis, elle se rendit compte de ce qu'il lui proposait. Elle écarquilla les yeux de consternation. 

- Je sais mieux que quiconque les secrets de Los Angeles, mais vous apportez à la Californie le sang neuf qui lui manquait. De plus... il était devenu dangereux de faire apparaître Zorro. Mais commencez, s'il vous plaît... j'ai suivi un bon nombre de vos aventures mais évidemment, je n'ai vu tout cela que de loin...

Sombra haussa un sourcil et resta silencieuse, tentant de comprendre si Zorro venait bien de lui dire ce qu'il avait dit.

- Oh, euhm (Zorro parut gêné d'avoir laissé cela lui échapper.). J'ai suivi vos aventures, depuis le début... je voulais en apprendre un peu plus sur vous avant de vous proposer quoi que ce soit (ajouta-t-il un peu trop précipitamment au goût de Sombra.). Vous êtes peut-être à peine prévisible au niveau de vos cachettes... conclut-t-il d'un ton amusé.

- Très bien, fit Sombra en essayant de ne pas montrer qu'elle était confuse et légèrement vexée et elle laissa planer un court silence. Vous connaissez peut-être la situation de la famille Rojas: Rodrigo a fait des études en Espagne et il en est revenu complètement dévoué au trône. Son frère, Fernando, est resté en Californie, dont il souhaite ardemment l'indépendance. Cela ne pouvait que faire des étincelles. Don Rodrigo m'a avoué ce soir qu'il recevait ses ordres d'Espagne: il devait piéger son frère, convaincre le peuple californien que leur plus grand défenseur était en réalité fratricide et ainsi ralentir l'indépendance.

Zorro resta quelques instants muet. Sombra, elle, essayait de trouver une façon d'amener les révélations que lui avait faites Diego sur le tapis sans pour autant se trahir d'une façon ou d'une autre. Mais d'un autre côté, même si Zorro avait la réputation de toujours tout savoir, comment aurait-il pu surprendre cette conversation entre deux proches?