Sombra galopa à bonne distance derrière le commandante et ses hommes. Don Fernando et son "complice" étaient entourés de soldats et il était impensable de tenter quoi que ce soit maintenant. Il fallut pas mal de temps pour revenir à Los Angeles et Sombra fut obligée d'emprunter un détour pour arriver à la caserne par derrière. Elle se tint debout sur Adagio pour atteindre le mur d'enceinte, se demandant si Zorro faisait la même chose qu'elle en ce moment précis lorsqu'il désirait sauver un innocent... Lorsqu'elle fut sur les toits, elle avança avec une discrétion telle qu'elle entendait distinctement tout ce qui se passait autour d'elle sans produire elle-même le moindre bruit.
Enfin, elle eut une vue assez claire de la situation. Les deux hommes étaient enfermés dans des cellules séparées. Des soldats s'affairaient encore, mais Sombra comprit qu'ils allaient bientôt mettre en place des tours de garde et continuer les préparatifs le lendemain matin. Le procès aurait lieu dans la caserne même et Sombra ne se faisait pas d'illusions: don Fernando était condamné s'il y en avait un. L'homme qui semblait si prêt à avouer, à trahir son complice, était celui qui le piégerait le plus sûrement. Il y avait également les paroles tellement incriminantes des quatre agresseurs devant la mère de Fernando, la señora Rojas.
Sombra eut envie de vomir lorsque la pensée de Rose-Marie la frappa. Ils devaient se marier, bientôt. Fernando quitterait enfin la compagnie de son frère pour s'installer avec sa femme, et voilà qu'il perdait tout d'un coup. Tout cela ne faisait aucun sens, elle le savait bien, mais le commandante n'était pas un homme qui changeait facilement d'avis. Il lui faudrait les confessions du complice et rien d'autre. Si elle parvenait à ses fins, don Fernando serait libre au matin.
Les confessions d'un homme qui avait déjà tout perdu... comment diable pourrait-elle le faire changer d'avis? Elle ne savait rien de lui, alors pas question de faire peser une quelconque menace. Pas plus, d'ailleurs, que de le menacer physiquement: on ne fait pas peur à un homme qui fait face sans broncher à un jugement... Il mentait, et continuerait à mentir, rien à faire de ce côté là...
Et soudain, Sombra comprit. Rodrigo ne pouvait pas ne pas être impliqué. L'homme qu'il avait tué le lui avait dit: Rodrigo devait être combattu devant sa mère, c'était crucial, et ce pour une bonne raison: il fallait qu'elle puisse témoigner que c'était Rodrigo la victime, et non Fernando. Il était également question de combattre Rodrigo - à quatre contre un! - mais de laisser Rodrigo gagner. Or, le caballero s'était révélé incapable de même lever une épée lorsqu'il avait dû défendre sa vie. Mais tirer un coup de pistolet tellement précis qu'il avait tué sur le champ un homme sur lequel était penché une autre silhouette - la sienne! - n'avait pas posé le moindre soucis.
Furieuse d'avoir mis tant de temps à comprendre, et surtout se rendant compte qu'elle avait délibérément fermé les yeux, se doutant que la vérité serait peut-être encore plus difficile à supporter, Sombra fit demi-tour. Elle devait amener Rodrigo devant le commandante et le forcer à raconter son histoire. Elle sauta en bas du toit, une chute de quelques mètres qui lui demanda quelques secondes de pause durant lesquelles elle tenta de reprendre son souffle: elle n'avait jamais pensé qu'elle puisse avoir affaire à de tels complots. Un fratricide, ce n'était décidément pas ce qu'elle avait en tête lorsqu'elle s'imaginait galopant dans la nuit dans les traces de Zorro.
Et Zorro, pourquoi n'était-il pas là? Ne disait-on pas qu'il savait toujours tout, mystérieusement, miraculeusement? Comment pouvait-il ne pas savoir ça?
Sombra galopa tellement vite en direction de l'hacienda des Rojas qu'elle n'était même pas sûre d'arriver à entendre distinctement le bruit des sabots d'Adagio contre le sol. Le vent battait son corps et elle enfonça plus profondément son chapeau pour qu'il ne s'envole pas. Lorsqu'elle arriva en vue de sa propre hacienda, elle remarqua que les lumières étaient allumées au salon. Elle pria pour que personne n'ait l'idée saugrenue d'aller dans sa chambre alors qu'elle avait expressément demandé à n'être pas dérangée, son estomac lui étant de nouveau douloureux. Elle dépassa l'hacienda à toute allure, ne jetant qu'un rapide regard à la route qui, perpendiculaire à la voie menant à Santa Monica, serpentait jusqu'à son chez-soi.

VOUS LISEZ
Sombra
FanfictionLorsque'Amara Verdana revient en Californie après cinq ans d'absence, elle n'est plus la jeune fille éprise de musique et de poésie que connaissaient ses parents. Sa fougue naturelle l'a menée à apprendre le maniement des armes, et les nouvelles ven...