Chapitre 21

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Le lendemain, après un dîner particulièrement silencieux, où tous les intéressés se dévisageaient en chien de faïence tout en s'ignorant mutuellement, lorsque l'heure de la sieste fit se retirer les Espagnols dans leurs quartiers - que doña Amelia avait rendus le plus inhospitalier possible -, Amara s'approcha de ses parents qui s'étaient assis dans le patio, sous l'arbre principal, et fixaient leurs pieds avec épuisement et une forme de désespoir passif.

- Père, mère... si vous le voulez bien, j'aimerais rendre visite à Diego.

Enfin, un sourire illumina le visage de ses parents qui levèrent tous deux, comme un seul homme, un regard brillant.

- Mais, avec plaisir, Amara! Va, va. Sois seulement de retour pour le dîner. Ou, au moins, fais-nous porter un message le cas contraire. Non, se reprit son père. Sois là pour le dîner, confirma-t-il, car il nous faudra toute l'aide possible pour réussir à surmonter ce calvaire... et empêcher ta mère de leur sauter dessus! ajouta-t-il avec un sourire complice en direction de doña Amelia.

Celle-ci haussa brièvement les sourcils, lança un bref regard accusateur à son mari avant de laisser un sourire amusé éclairer son visage.

- Je plaide coupable...

Amara éclata de rire.

- Très juste, père. Il serait fâcheux que notre délicieuse compagnie se sente étrangère par ici...

- Enfin, Amara, pas si fort, pouffa sa mère. Va donc rejoindre ton Diego!

Amara sourit, se retourna à moitié, laissant sa main gauche pendre élégamment puis l'agita mollement, comme pour signifier toute l'indifférence qu'elle ne portait pas à la mention de "ton" Diego. Enfin, elle alla rapidement se changer et sortit. Elle monta le placide cheval beige que lui avait offert son père et prit la route qui menait à la voix reliant Los Angeles et Santa Monica. Elle longea la route, arriva devant la forêt qui cachait Sombra la nuit, eut un sourire à la brève vision de Sombra réglant son compte à une Adella dont le sourire supérieur avait totalement disparu pour laisser place à un masque de peur ridicule. Elle chassa cette pensée de son esprit et tourna son regard vers la route. Elle continua en route droite jusqu'au bosquet qui menait, après l'intersection, à l'hacienda des De la Vega.

Là, elle entendit la rumeur de sabots venant à sa rencontre. Ils se firent face au contour, tous deux surpris de découvrir l'autre à mi-chemin de l'endroit où ils avaient pensé mutuellement retrouver l'autre.

- Je ne sais pas si nous devons conclure de ce hasard que les grands esprits se rencontrent, ou que notre originalité laisse à désirer... déclara Diego avec un sourire.

Amara éclata de rire. Elle se laissa tomber à terre et Diego la rejoignit aussitôt.

- L'endroit est bien choisi, fit-elle remarquer avec l'air assuré de ceux qui ont tout prévu.

Diego rit à son tour et ils s'enfoncèrent dans le sous-bois sans même se consulter. Ils attachèrent leurs chevaux à la même branche.

Diego se tourna alors vers Amara et lui sourit - le tableau était si pur qu'Amara en oublia instantanément tout le reste: Zorro, Sombra, les Espagnols, sa folle colère, tout cela disparut sans un remous, comme chassé par l'aura rassurante de Diego et sa certitude qu'à ses côtés elle se sentirait toujours bien.

Soudain, sa main fut dans celle de Diego et, tandis que leurs doigts s'enlaçaient, Amara lança un sourire d'une telle pureté que soudain tout sembla plus lumineux.

Ils s'assirent côte à côte, dans une petite clairière qui leur laissait à la fois assez d'intimité pour se sentir bien et assez d'espace pour que le contexte soit agréable. Ils se trouvaient dans un lieu ombragé qui leur permettait de profiter du soleil tout en s'en protégeant; le tout était bucolique à souhait, et les oiseaux qui s'étaient arrêté de chanter à leur arrivée reprirent rapidement leurs activités. Amara s'était tournée de façon à ce que ses genoux effleurent Diego tandis que celui-ci posa naturellement sa main à côté de la sienne. Alors qu'ils discutaient innocemment - "C'est un endroit très agréable", faisait remarquer Diego; "Sa beauté est encore rehaussée par l'absence d'Espagnols", ajoutait Amara - soudain Amara remarqua que leurs mains se touchaient, celle de Diego sur la sienne, et qu'ils se caressaient les doigts rêveusement. Elle n'avait aucune idée de quand cela avait commencé, mais elle savait que ça n'avait pas d'importance et qu'elle désirait simplement que cela ne s'arrête jamais. Consciente d'être particulièrement niaise quand elle se trouvait en compagnie de Diego, Amara déclara soudain de but en blanc:

SombraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant