Sombra

Chapitre 25

Le voyage avait commencé par un adieu (d'une manière surprenante, celui d'Adella pour son bijou, qu'elle avait regardé d'un air fort langoureux), et finit par un autre: Amara s'était fait une amie à San Gabriel, qu'elle avait invitée à venir, d'ici à quelques semaines, profiter de l'hacienda, quand les Espagnols l'auraient quittés. Irene Santana était tombée sous le charme d'Amara, et elles s'étaient tout de suite bien entendues, mais elle avait quelque chose contre Diego, tous s'en rendirent compte. Elle le regardait toujours d'un mauvais oeil, partait lorsqu'il arrivait, reprochant à Amara son choix en matière d'hommes, ne voyant en Diego qu'un bon à rien. Amara se retenait de lui dire que si elle perdait Diego, elle perdrait littéralement l'homme le plus important de sa vie. Elle se contentait de sourire.

Outre son dédain pour Diego, Irene était d'une charmante compagnie; elle montra à Amara la plupart des environs, l'entraînant dans de longues balades, et elles se baignèrent même dans un lac - Amara cacherait à Diego toute sa vie qu'un caballero était passé au moment où elles sortaient de l'eau et qu'elles n'avaient rien pu cacher de leur nudité.

Amara avait apporté elle-même le collier d'Adella chez le bijoutier le plus éminent de Californie, avait veillé à ce qu'il soit toujours sous surveillance, et l'avait récupéré comme neuf. Elle avait rendu le bijou à Diego qui l'avait précieusement gardé sur lui durant toute la durée du séjour, qu'ils avaient par ailleurs passé comme un couple.

Le dernier soir, après le souper, après la balade, alors qu'il s'agissait pour le jeune couple de dormir afin d'être frais et dispos pour le voyage du retour, Amara resta allongée sur son lit, fixant le plafond. Elle n'arriverait tout simplement pas à dormir. Pas en ayant en mémoire les baisers langoureux de Diego, leur envie à tous les deux de s'offrir encore un peu plus l'un à l'autre, et cette insupportable barrière qui les en empêchait. Amara avait envie de faire les choses bien, d'offrir cette part d'elle-même à Diego avec tout l'honneur qu'il lui était dû, mais elle en avait également tout simplement envie. Elle se sentait une boule au ventre. Impossible de penser à autre chose. Elle avait presque envie de pleurer. Combien de temps encore avant de pouvoir enfin connaître le plaisir de cette communion?

Elle se leva, pensant à Diego, à combien elle l'aimait, et, perdue dans ses réflexions mêlés d'instincts physiques, elle s'arrêta soudain.

Elle l'aimait.

Elle l'aimait.

Elle ne s'en était pas rendu compte jusqu'à cet instant précis. Et elle avait maintenant envie d'aimer chaque parcelle de son corps.

Elle ouvrit sa porte au même moment où Diego ouvrait la sienne.

Leurs regards se croisèrent et ils surent tous deux à quel point ils avaient envie de s'offrir enfin l'un à l'autre. De ne plus avoir aucun secret l'un pour l'autre. Diego s'avança d'un pas certain, un peu trop rapide, vers elle, et elle fit un seul pas en avant pour le rejoindre au moment où il ralentissait un peu, comme pour lui laisser le choix. Elle porta ses mains en coupe au visage de Diego et l'attira vers le sien pour y déposer un baiser dont la fougue dépassait tout ce qu'ils avaient déjà connu.

Ils poussèrent silencieusement la porte de la chambre d'Amara, sans que personne, dans aucune des chambres occupées, ne se doute de rien. Il était bien trois heures du matin. Amara recula, Diego tout contre elle, jusqu'à arriver contre son lit. Là, Diego la débarrassa avec une douceur sans retenue de sa tenue et ses cheveux, lorsqu'ils lui tombèrent contre la taille, la chatouillèrent, ce qui la fit encore presser plus son corps contre celui de Diego. Elle lui passa sa chemise par-dessus la tête et la jeta au sol, à côté sûrement de sa propre tenue. Ils prirent quelques secondes pour se regarder droit dans les yeux avant de se laisser aller l'un contre l'autre.