Chapitre 10

178 13 2
                                    

Il se passa plusieurs jours après l'enfermement de don Alvaro durant lesquels Amara passa le temps en apprenant Adagio à répondre à ses moindres demande. Elle était rarement à l'hacienda, et prétextait des balades pour sa santé - elle avait réussi à faire croire à ses parents qu'elle se sentait particulièrement faible depuis son retour d'Espagne et qu'elle avait probablement besoin de temps pour se réhabituer, et que de telles balades seraient le parfait remède à son mal. Ses parents, encore trop honteux de leur fausse accusation, s'empressèrent de l'approuver. Il s'agissait de sa santé, après tout, et ses parents étaient bien trop heureux de lui prouver à nouveau la confiance qu'ils lui portaient qu'ils ne se souciaient guère de savoir si tout cela était vrai.

L'animal lui avait accordé, semblait-il, sa confiance sans y poser aucune forme de limitation. Il s'était habitué à sa voix mais aussi à son silence, car Amara prévoyait de ne pas produire le moindre son tant qu'elle serait Sombra.

Ils s'entraînèrent à plusieurs acrobaties, Amara tout autant que lui - elle avait certes déjà monté, et avait fait de la gymnastique en Espagne, mais le faire sur un cheval était autre chose. Elle devait pourtant pouvoir se sentir sur Adagio comme sur son lit.

Don Diego lui rendait souvent visite. Elle aimait lui parler, et il accordait toujours un tel intérêt à tout ce qu'elle pouvait penser qu'elle se sentait vraiment en confiance en sa présence. Ce jour-là, cependant, elle avait décidé de se rendre elle-même chez Diego : elle voulait le surprendre. De plus, elle avait reçu, comme cadeau de son père, un nouveau livre, qui venait de sortir, et, se rappelant que Diego avait fait les mêmes études qu'elle, elle avait pensé à le lui faire lire. Elle avait pris le volume dont elle avait déjà avidement lu le contenu, sortit en compagnie d'Ana et décida de s'y rendre à cheval.

Son père lui avait lui-même dressé un hongre d'une très belle couleur beige, et elle avait trouvé son caractère placide très reposant mais aussi décevant à côté de celui d'Adagio. Mais sans doute son père se sentait-il plus sûr en la sachant sur le dos d'un animal autant calme.

Elles arrivèrent chez don Diego un peu près à l'heure du dîner. Un serviteur les fit entrer en silence - apparemment, don Alejandro, un peu malade, dormait encore. Il leur demanda d'attendre dans le patio car don Diego était occupé pour le moment mais serait bientôt disponible. Ana s'assit dans un coin, disparaissant presque derrière une plante, tandis qu'Amara s'asseyait à l'ombre du banc, proche de la porte d'entrée, mais masquée depuis celle-ci par le magnifique arbre qui poussait au milieu du patio.

Elles attendaient en silence, Amara feuilletant à nouveau le livre qu'elle avait déjà lu pour en retrouver les passages qu'elle avait particulièrement appréciés, lorsque soudain un bruit de conversation, étouffé, parvint à Amara, qui releva la tête, s'attendant à voir entrer Diego, mais personne ne fit son apparition. Au contraire, les deux hommes qui parlaient semblaient s'être arrêtés juste derrière la porte.

- Mais si, c'est parfait. Don Alejandro est malade, alité, et don Diego, peu importe où il se trouve, ne sera pas un grand problème à surmonter... Il suffira de le menacer d'un fusil ou d'une épée...

- Ou d'une fleur, ironisa le second homme, faisant ricaner son comparse. Mais enfin, les serviteurs?

L'homme grogna à la mention de ce mot et l'autre sembla s'excuser, comme s'il venait de prononcer un mot interdit.

- Cette nuit, comme à son habitude, don Diego ira se coucher tôt. Et, son père malade, les serviteurs ne seront pas au premier étage... Nous pourrons sans difficultés nous y glisser...

Amara n'arrivait pas à y croire: ils discutaient de leur plan au beau milieu de la journée, et là où ils allaient le commettre. Puis, elle comprit pourquoi:

SombraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant