Chapitre 3

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Séléné

Les nuages m'ont bien vite dissimulée et j'ai pu ainsi faire reposer mes chevaux, Lámpsi et Fengári. Éclat et Lune en grec. Quand j'ai vu le magnifique cheval pommelé me poursuivre à travers la ville, j'ai crisé. Pourquoi ne veut-il pas me laisser en paix ? Pourquoi continue-t-il à me poursuivre sans relâche ? N'a-t-il pas compris que je le fuis comme je fuis tous les miens ?

Désormais protégée par les barrières cotonneuses, je lâche les rennes et me masse les paupières. Ma tournée vient à peine de commencer et voilà que j'ai déjà dû échapper à Poséidon. Je repose mes mains sur mes cuisses et les observe un long moment.

Peut-être que Poséidon est un signe envoyé par les miens ? Peut-être veulent-ils mon retour ? Peut-être l'Olympe est-il à nouveau sans risque pour moi ? Mais comment faire pour y retourner sans en faire subir les conséquences ? Les deux mille ans passés sur Terre n'ont pas eu que des bénéfices pour moi.

Je détourne les yeux de mes mains, que je tords à force de réfléchir, et penche la tête par dessus le char. Ma lumière argentée se reflète sur les nuages noirs, découpant ma silhouette sur l'étendue du ciel. Mes longs cheveux se plaquent contre mon visage mais je ne fait rien pour les repousser. Rapidement mes pensées retournent auprès de Poséidon et je me demande s'il a abandonné les recherches à cause des nuages. Inconsciemment j'espère que non.

Je suis stupide, je ne veux pas qu'il me coure après et pourtant j'espère le contraire.

Je peste contre moi-même et d'un geste rageur, je reprend les lanières de cuir noir et demande aux chevaux de galoper plus haut. Toujours plus haut. Et pourtant, j'ai beau tenter de me rapprocher de la lune, celle-ci reste étrangement silencieuse. N'accepte-t-elle pas ma décision ? Une unique larme roule sur ma joue et je ne fais rien pour l'essuyer, le vent le faisant pour moi. La solitude, ma pire ennemie, n'a jamais été aussi présente depuis longtemps.

Ma tournée est bientôt terminée et je ne peux que m'en réjouir. Je suis épuisée et lutte pour ne pas m'endormir. Petit à petit, je rejoint le point de départ, baissant de plus en plus dans le ciel si bien que je suis à nouveau visible de tous les sujets du maître de la Mer. Pourtant, je n'y fais pas attention, bien trop occupée à garder le cap et à ne pas fermer les paupières pour rejoindre Hypnos, dieu du Sommeil.

Bientôt Fira se dessine à l'horizon et je souris à la perspective de dormir toute la journée dans mon lit douillet. Je souris de plus belle en pensant à Ulysse qui m'attend bien sagement, sans doute devant la porte d'entrée, comme à son habitude.

Lámpsi et Fengári hennissent à l'unisson quand ils aperçoivent la falaise et dans un parfait demi-cercle, ils se posent sur la terre ferme. Je saute du char, ma lumière faiblissant à vue d'œil. Avant de libérer mes deux chevaux, je ne peux m'empêcher de les cajoler. Cette nuit, je les ai épuisés les pauvres. Chacun à droit à un petit morceau de sucre et à de nombreuses caresses et quand vient enfin l'aurore, ils repartent dans le ciel. Bientôt, ils disparaissent dans l'étendue orangée. La fatigue me rend un peu plus triste de les quitter. Avant, je pouvais les voir tous les jours mais depuis que j'ai été bannie, je ne peux profiter d'eux que les nuit de pleine lune. Soit tous les vingt-sept jours. Et cette séparation pèse autant sur moi que sur eux, qui perdent leur maîtresse un peu plus chaque jour.

Je fais rapidement le chemin inverse, mes pieds en mode pilote automatique. Mes paupières se ferment d'elles-mêmes et tant pis si je rentre dans des personnes matinales. Tant pis si je me fais crier dessus. Les gens me remarquent enfin. Et ça me fait me sentir vivante. Mais vivante jusqu'à quand ?

Les dieux de l'Olympe T2 - Séléné [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant