La porteuse de lumière -2-

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Lorsqu'on arrive devant la classe, le professeur nous attend déjà. Elle a l'air sérieuse tout en étant enjouée c'est difficile de juger avec Mme Sprent. De la vieille école, elle porte une jupe qui lui arrive sous les genoux avec un de ces chemisiers strict et droit, mais ce qui la caractérise le plus c'est ses lunettes en demi-lune qui sont posées sur le bout de son nez, et quand elle vous regarde par-dessus, vous êtes sûr qu'elle vous a dans son collimateur.

-Allez, allez, les enfants, entrez.

Anna et moi nous installons dans la rangée du milieu, Stan et Nicolas sont derrière nous, nous commençons à parler quand elle nous interpelle pour que nous l'écoutions.

- Tout d'abord je voudrais vous présenter Mattys Lucceo, il est nouveau dans notre village, soyez sympathiques et soyez gentils de le guider au sein de l'établissement.

A l'écoute de cette nouvelle, je veux me retourner, pour pouvoir l'observer. Ma curiosité est toujours bien aiguisée, surtout pour ce genre de chose mais Anna m'en empêche, elle a sur moi cette drôle d'autorité , c'est étrange, on dirait de la possession. 

Mes yeux fixés dans le regard d'Anna je vois l'ombre d'une silhouette se déplacer et arriver dans mon champ de vision, mais impossible d'en distinguer les contours, je suis perdue dans le vert intense d'Anna. Ses yeux me parlent, je ne sais pas ce qu'ils peuvent me dire, mais cette façon de me tenir à l'écart est déconcertante.

Madame Sprent reprend le cours et c'est seulement à ce moment-là que je peux détourner mon regard mais je dois continuellement rester le regard braqué sur notre professeur, comme si quelqu'un me l'ordonnait. 

Bien obligé de suivre le cours, je laisse de côté cette drôle d'impression, tellement focalisée sur celle-ci j'en oublie le nouvel élève. 

Le cours d'aujourd'hui porte sur la discrimination qui régit le monde et pour que l'on trouve cela intéressant, notre enseignante a décidé de nous parler des sorcières ou de ces femmes jugées sorcières à une époque où les croyances et les mythes étaient pris très au sérieux.

Je ne trouve pas ça étrange; je sais que Madame Sprent est loufoque, et elle arrive à capter l'intention des élèves, c'est ce qui compte après tout.

-Mais M'dame, pourquoi les sorcières? Qu'ont-elles de particulier pour qu'on s'y intéresse? Demande Nicolas.

-Des pouvoirs magiques, idiot, intervient Stan, il peut vraiment se faire passer pour un imbécile quand il veut.

- Cela suffit ! On ne sait pas et on ne saura jamais, nous allons en parler car elles symbolisent, en grande partie, les premières discriminations. Bien qu'il y en ait déjà eu auparavant, je voulais vous parler de celles des sorcières, car je pense que ces légendes, quelque peu fantastiques, vous parleraient plus. 

Comme de fait, j'avais raison, loufoque mais ingénieux.

Je repense au nouvel élève assis derrière moi avec toujours cette sensation étrange qui me cloue à la chaise, j'en suis tellement distraite que Madame Sprent le remarque.

-Mademoiselle Delagrange, pouvez-vous revenir parmi nous s'il vous plaît.

Je sursaute, et regarde les autres élèves à portée de vue, mais impossible de me détourner. C'est un peu comme la volonté une fois qu'elle est là, elle ne se désaxe pas, je réprends mes esprits.

- Oui Madame Sprent. Dis-je le rouge aux joues.

- Alors reprenons. Je disais donc que ces femmes étaient jugées, pour ce qu'elles provoquaient ou créaient. Les premières à avoir été châtiées sont celles qui vendaient leur corps, elles attiraient les hommes et dans la religion qui gouvernait cette époque, cela était impensable. Ces femmes ont, selon eux, pactisé avec le diable.

Les âmes éternellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant