Le chainon manquant -6-

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Le matin de Noël. Petite, j'adorais me réveiller en douce pour aller épier sous le sapin avant que mes parents ne se réveillent. Je dévalais les escaliers sans bruit, pour aller voir combien de cadeaux il y avait sous le sapin. Quand j'entendais des pas au-dessus de ma tête je remontais quatre à quatre les marches pour me recoucher et feindre le sommeil. Ce jour-là toute la maison était en fête. Maman préparait le déjeuner et papa venait me réveiller avec douceur. Lorsque nous étions devant tous ces paquets je ne pouvais pas attendre, l'impatience se remarquait aux petits bonds que je faisais pour que maman se dépêche.

Ce matin c'est Noël, et je ne me suis pas levée au aurore. Papa est venu dans ma chambre mais je ne trépignais pas. Aujourd'hui je dois me battre. Je n'ai jamais entendu pareille histoire, même dans Roméo et Juliette, ils meurent ensemble. Aujourd'hui se sera lui ou moi.

Il y a sept jours, j'étais Gabrielle Delagrange en terminale je ne savais pas de quoi demain serait fait. Je ne savais même pas ce que j'allais entreprendre comme étude. Au lieu de ça, je suis ici, dans le living à voir tout le monde s'agiter dans des sens contraires. Il y a qu'Anna qui ne s'agite pas. Alexander me parle de concentration, je ne dois pas me laisser distraire par ce qu'il dira ou fera. Il parle de ma sensibilité, d'après lui j'ai un petit cœur, et il attaquera par là, sur l'aspect psychologique avant d'attaquer de front.

Papa et maman, sont à l'opposé de leur habituel comportement. Papa est souriant affectueux, lorsqu'il s'approche de moi, ses mains me touchent le bras, les joues, c'est un côté que je ne connaissais pas chez lui. Je regrette d'ailleurs que ces instants soient trop courts. Maman s'est refermée sur elle-même, la tendresse n'adoucit plus ses traits si maternels. Elle reste rigide et droite comme un piquet de grève. Aucun sourire, aucun encouragement de sa part à mon égard, elle m'ignore totalement. Lorsqu'il lui arrive de croiser mon regard c'est pour me regarder avec hargne que peut-elle me reprocher ? Je faisais tout pour ramener Mattys à nous. C'est perdue dans mes pensées et en observant les personnes qui m'étaient le plus cher au monde que la conclusion me vient... elle préférerait me voir ailleurs que dans le conflit qui m'oppose à son propre enfant. Peut-être que son choix est déjà fait, peut-être qu'au fond, elle ne m'a jamais aimé comme sa fille.

-Gabrielle ?

Je me retourne sur Stan, confiant souriant, la main qu'il pose sur mon épaule est rassurante. Il est le seul à s'être installé à mes côtés pendant que tout le monde s'activait.

- Tiens, c'est pour toi, me dit-il.

Dans le creux de sa main se trouve un écrin, long de dix centimètres, en velours bleu, dans mon regard il lit mon incompréhension.

- Ouvre, il est précieux pour nous deux. Après que ton toi, je veux dire Zéphyrine ait été brulée, j'ai pu retrouver ceci, il t'appartenait autrefois. Ne me demande pas comment j'ai pu de nouveau l'acquérir, je ne pourrais te répondre mais je suis formel c'est la tienne.

Alors doucement j'ouvre le boitier, qui contient une fine chaine en or, je regarde celui qui autrefois fut mon frère avec des yeux pleins de larmes lui signifiant que je suis touchée par ce présent.

- Remplace cette cordelette et n'oublie pas de porter le médaillon lors de ton combat.

- Merci Stan, tu es un être formidable, je voudrais que tu te pardonnes Stan, tu n'es plus Libero. Tu es un autre aujourd'hui, peut-être qu'il est temps pour toi de laisser cette partie de l'histoire derrière toi.

- Mais comment ? Comment pourrais-je oublier que si les choses sont comme ça aujourd'hui c'est en partie ma faute. Si par le passé, tu n'avais pas eu peur de moi tu ne serais jamais partie et jamais tu n'aurais rencontré ce scélérat.

- Peut-être bien oui, mais un jour ou l'autre, les gens auraient su de quoi j'étais capable et le message à cette époque ne serait pas passé non plus. Je suis sûre que tu n'es pas le l'initiateur, s'il y a un fautif, c'est moi, ou plutôt Zéphyrine, parce qu'en réalité nous ne sommes plus ce que nous avons été, nous sommes nous ! Nous avons nos propres façons de penser et aujourd'hui ce qu'il nous reste d'eux c'est l'apprentissage de leurs erreurs.

Le sourire qu'il me rend finit par m'émouvoir encore plus et je me jette dans ces bras puissants et robustes pour une étreinte riche d'amour fraternel.

- Elle a de la chance tu sais, lui dis-je en chuchotant.

Les âmes éternellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant