La prophétie partie -8-

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Choquée, blessée, ébranlée, froissée, indignée, offensée. Autant de termes me passent par la tête pour engloutir ma stupéfaction.

- Oui, je sais que cela peut te causer un choc.

- C'est peu dire ! J'apprends que vous n'êtes pas mes parents et dans les minutes qui suivent que vous avez un fils et ce fils est l'un des garçons que je fréquente ! Je suis sèche, en même temps qui ne le serait pas.

- Ne sois pas condescendante avec ta mère Gabrielle ! Laisse-la plutôt t'expliquer.

Je regarde mon père avec un regard qui dit "elle n'est pas la plus à plaindre", mais je la laisse malgré tout continuer.

- Tu dois avant tout savoir, qu'une Gardienne de l'espoir n'est pas choisie dès la naissance, elle est choisie par la force et la volonté qu'elle a eue de vouloir vivre après un drame important. Je suis née ici, dans notre beau Sud italien, mais mes parents ont, à une époque, voulu essayer de vivre ailleurs. Beaucoup partaient pour la Belgique, dans une ville qu'on appelle Charleroi, on y faisait travailler des gens.

Elle prend le temps de raconter son histoire. Je vois bien qu'il lui est douloureux de se remémorer cet endroit, je me l'imagine. Et un seul mot me vient à l'esprit. Sinistre.

-Ce travail dont tout le monde parlait, consistait à l'extraction du charbon dans des galeries creusées sous la terre, des mines. Un jour alors que mon père travaillait dans une de ses mines, un incendie s'est déclenché, nous autres, les Italiens immigrés, étions logés non loin de ses galeries noires. Maria Lucceo, ma mère et moi avons tout de suite aperçu la fumée et nous nous sommes précipitées jusqu'à la grille du site minier. Ho ! Si vous aviez vu ses malheureux évacuer les galeries. Maman s'accrochait aux barreaux de cette barrière qui l'empêchait de rentrer dans la fournaise, on se doutait que beaucoup y resteraient. Du haut de mes cinq ans, je ne comprenais pas grand-chose, mais je voyais les gens paniquer, je voyais leurs larmes rouler le long de leurs joues ramassant au passage la suie qui venait se coller sur celles-ci.

Elle s'arrête, respire calmement. Pour reprendre avec plus de vivacité. Dans ses yeux noyés par les larmes, je vois qu'elle revit ces moments difficiles.

-Puis tout s'est passé très vite, maman a réussi par je ne sais quel coup du sort à pénétrer sur le site, elle ne voulait qu'une seule chose faire remonter son mari vivant, Guiseppe Lucceo. Je l'ai vu, des fois dans mes cauchemars je la vois encore s'engouffrer dans la gueule noire, la fumée épaisse entourer son corps entier. Alors j'ai attendu, un enfant n'est pas stupide mais il est animé d'espoir. Et là, j'espérais qu'ils remontent tous les deux ensemble, se tenant par la main comme ils avaient l'habitude de le faire. Ils ne sont jamais remontés et jamais leurs corps n'ont été retrouvés.

Une larme roule sur ma joue, elle souffre encore de cette sordide histoire, des hoquets et des tremblements l'interrompent sans cesse dans son récit. N'y tenant plus je lui prends la main, je l'encourage à continuer mais je vois à quel point c'est dur, je ressens son deuil, je ressens le sentiment de perte. Les autres restent muets, sans doute ne savaient-ils pas, alors ils écoutent. Pour ceux qui savaient comme papa ou Alexander, les yeux sont baissés de façon à respecter le chagrin de maman.

- Après ça, je suis restée dans une autre famille d'immigrés proche de mes parents jusqu'à la fin des opérations de reconnaissance, mais après ce drame beaucoup sont retournés chez eux. Moi, je ne voulais pas, toujours cet espoir au fond de mes tripes. J'ai vécu longtemps avec une vieille dame que ma mère avait connue là-bas, qui a fait du mieux qu'elle a pu pour qu'on s'en sorte jusqu'à ce qu'elle meure.

Je resserre un peu plus sa main, le début de sa vie se résumait au chaos. Je voulais qu'elle sache que je ressentais son chagrin. Elle renifle, se mouche et reprend.

- J'étais une adolescente quand ça m'est tombé dessus. Je rentrais au foyer qui m'hébergeait quand je suis passée par un chemin différent et c'est là que je l'ai aperçue l'Eglise du Sacré-Cœur. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas pénétré dans une église et poussée par je ne sais quelle détermination, j'ai eu envie de m'y arrêter et d'y entrer.

Là, dans ce bâtiment spirituel j'ai cru voir le prêtre, alors je me suis approchée, mais lorsque je suis arrivée devant l'hôtel où il se recueillait, il s'est volatilisé et à sa place, un livre, avec écrit " Dans un monde si cruel il faut du cran pour oser espérer" se livre était pour moi un salut. C'est ainsi que je me suis formée et que j'ai appris qui je serais amenée à devenir. Ainsi dans les différents paragraphes il est inscrit qu'une Gardienne est choisie par un Archange, c'est sans doute lui qui m'a mise sur cette route. Mais j'étais loin de me douter que ta mère, Lili-Beth, m'apporterait un nouvel espoir.

- Oui, et d'où suis-je originaire, je veux dire d'où venait Lili-beth ?

J'étais originaire d'Italie et je serais toujours la fille de Thomas et Vivianne, même si pour l'instant, je leur en veux, un peu.

- De ce que je sais, pour le peu que nous nous sommes rencontrées et les documents qu'elle m'a donnés lorsqu'elle t'a confiée à nous, Etats-Unis, Texas plus précisément.

- Je ne me souviens de rien, ni de cette vie là-bas, ni de Mattys, pourquoi ?

- Quand tu es arrivée tu n'étais encore qu'un nourrisson à peine âgé de 6 mois, Mattys avait déjà six ans, déjà à cette époque il était tourmenté.

- Six ans ? Mais alors ça voudrait dire qu'il a déjà vingt-quatre ans, comment c'est possible ? Le lycée, les cours ?

Les âmes éternellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant