Chapitre 8

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Ce matin je suis maussade, ça y est, ça fait huit ans. Je traine dans mon lit jusqu'à neuf heures car je n'irai pas en cours aujourd'hui. Je marche lentement jusqu'à la salle de bain où je me rince le visage, mes cheveux sont emmêlés et j'ai d'énorme cernes sous les yeux. Je fouille dans ma penderie et trouve une robe noire, simple avec un col claudine blanc. J'enfile des vans de la même couleur puis coiffe mes cheveux en une seule tresse lâche. Je sors et cerise sur le gâteau ! Il pleut ! Je marche donc sous une bruine glaciale jusque chez la fleuriste qui m'accueille avec un sourire compatissant. Il faut dire que je suis une habituée. Elle me tend un bouquet de pivoines et un autre de roses blanches. Je la remercie et me rends au cimetière de ma ville. J'avance comme une automate, connaissant l'emplacement de la tombe d'Aaron par cœur. Je nettoie la terre qui s'est accumulée à cause de la pluie et jette les fleurs fanée déjà présente. Je dépose d'abords les pivoines :

- De la part de maman, je murmure, elle t'aime et pense chaque jour à toi.

Je pose ensuite le bouquet de roses :

- Ce sont tes préférées, n'est-ce pas ? Je me souviendrais toujours de toi, jamais je ne pourrais t'oublier. Je t'aime autant qu'avant et je t'aimerai toujours. Je suis désolée, je ne te le répèterais jamais assez, je suis désolé d'avoir causé ta mort. Pardonne-moi, dis-je en m'agenouillant et en posant ma tête contre le granite froid de la pierre tombale tandis que les larmes roulent sur mes joues. Tu sais, Jack, ce garçon que je déteste ? Et bien il n'est pas si méchant que ça, on pourrait peut-être devenir amis, qu'en pense-tu ? Il m'a invitée à une fête vendredi mais je ne pense pas y aller. J'ai tellement honte de ne pas avoir pensé à toi lorsque j'ai accepté son invitation. Et puis maman m'a punie de sortie, je ne devrai pas lui désobéir.
Parfois j'imagine que nous vivons toujours ensemble et je t'imagine à seize ans. Tu serais magnifique avec tes boucles blondes et tes yeux verts. Je te vois grand et mince, musclé car tu aurais continué le foot. Ah, le foot ! Je te demande pardon mais maintenant je déteste ce sport, j'ai arrêté de supporter notre équipe préférée depuis cet accident.

Je ferme les yeux un court instant et je me retrouve happée par mes souvenirs.

*1er Flashback*

J'ai huit ans et je suis au parc avec Aaron, mon père, ma mère et ma grande sœur, Ashley. Nous sommes heureux et nous nous entendons tous merveilleusement bien. C'est le printemps et l'herbe est d'un vert éclatant, le terrain est donc parfait pour jouer au foot. Je suis casse-cou et garçon manqué, je n'hésite pas à me jeter au sol et lorsque je me relève mes vêtements sont tâchés de boue. Ma mère me regarde avec un air réprobateur mais cette expression laisse rapidement place à un sourire qui illumine son visage. Mon père se joint à la partie et joue avec Aaron et moi. Soudain je tire dans le ballon, mais il atterrit beaucoup trop loin, sur la route. Je cours pour aller le chercher mais mon jumeau est plus rapide que moi et me dépasse. Il traverse sans prendre garde et à partir de là tout s'enchaine. Les bruits de klaxons, le conducteur qui tente de freiner en faisant crisser ses pneus sur le bitume, mon frères qui fait un vol plané, les cris de mes parents, le corps d'Aaron, qui gis là, inerte, ma mère et ma sœur en larmes, mon père paniqué qui appelle les secours et moi. Moi je suis seule, assise à côté de lui, je tiens sa main et je sanglote doucement, ma tête posée sur son torse qui ne se soulève plus.

*Fin 1er Flashback*

Les jours, les semaines, et les mois, les années qui ont suivi sa mort ont vu ma famille se détruire. A commencer par mon père.

*2ème Flashback*

Je suis dans la cuisine, c'est l'heure du repas. Nous mangeons dans le silence, comme toujours depuis la mort d'Aaron. Mon père n'a pas un regard pour moi et je trouve ça étrange. D'habitude il me sourit toujours malgré le silence, il essaie toujours de faire rire avec une grimace ou il me fait des signes qui nous permettent d'avoir une conversation muette. Mais aujourd'hui il a l'air las, il a l'air vieux avec ses cheveux grisonnant et il ne rit pas avec moi, ce qui blesse mon cœur d'enfant. Je remarque aussi qu'il n'a pas bu du repas et lorsqu'il boit enfin son verre il me regarde avec une culpabilité douloureuse et des perles salées ruissèlent sur ses joues. Soudain son corps est pris de tremblement et il convulse violemment. Je regarde ma mère, horrifiée, elle est tétanisée tout comme moi et c'est Ashley qui prend l'initiative d'appeler les secours. Malheureusement c'est trop tard et les médecins nous apprennent quelques heures après qu'il s'agit d'un suicide et que mon père à ingurgité un poison très puissant.

Just Mine [Tᴇrᴍɪɴᴇ́ ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant