1.1 Le taxi...

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   Dans l'épaisse brume matinale, le panneau que nous avions croisé deux heures plus tôt se dressa fièrement au bord de la route. Mon sang ne fit qu'un tour. Si je n'avais eu besoin de cet ignare, je l'aurais sûrement étripé haut et court.

   Il monta le son de la radio en croisant mon regard dans le rétroviseur, puis se concentra sur la route où nous tournions désespérément en rond. Les haut-parleurs crachaient un vieux blues qui m'était devenu familier... Je m'enfonçai dans le siège sans réussir à fermer l'œil, trop exaspérée.

   Douze heures d'avion, trois heures de bus et maintenant, presque deux heures de taxi, il y avait de quoi s'impatienter ! Il ne manquait plus que ce que je cherchais n'y soit pas et j'aurai tout gagné. Cette brève pensée intensifia mon humeur maussade et je sortis mon téléphone d'un geste las.

   Je n'eus aucun mal à trouver le numéro de mon père et le composai après un bref calcul. Il était 6h et demi ici, donc avec le jet-lag, la soirée ne faisait que commencer dans le Sud de la France. J'avais une chance de pouvoir lui parler un peu avant mon arrivée.

   La température moite de l'habitacle accompagna mes réflexions quant à mon arrivée à Castle Down. J'en transpirais déjà.

   Une fois là bas, il me fallait trouver l'agence immobilière qui m'avait proposé une maison en colocation avec une jeune fratrie au centre ville. Je devais ainsi récupérer les clés, découvrir ma chambre et accueillir mes meubles... J'avais déjà tellement hâte de pouvoir me vautrer dans mon lit !

   Il ne fallut qu'une seule sonnerie pour que la voix de Griffonneau me fasse sourire :

- Alors ? Ce voyage ? Tout s'est bien passé ? Tu es arrivée ? Tu as récupéré ta vali...

- T'es en forme toi... grinçai-je de dépit.

- Oula. Pas toi, apparemment... Tu veux que je vienne te chercher ?

   Je pouffai de rire malgré le regard intrigué du conducteur et passai une main sur mon front. Mon père s'inquiétait toujours trop pour moi.

- Bien sûr, t'as une fusée ? Ou peut-être que tu te téléportes, parce que la frontière avec le Canada, c'est quand même pas la porte à côté... ricanai-je en parlant dans un anglais parfait.

- Très drôle... Je m'inquiète, c'est tout. Surtout quand tu ne réponds pas à mes questions, jeune insolente.

   Griffonneau boudait, je le sentais d'ici. Il n'aimait pas m'entendre parler la langue de Shakespeare. Cela ne faisait que lui rappeler que j'avais changé de continent.

- Actuellement, je suis dans un taxi qui dit connaître la route pour Castle Down City. Au final, on tourne en rond depuis deux heures et... Je crois qu'on vient de repasser devant le même panneau pour la troisième fois... Ça te va ou tu veux que je t'envoie des photos aussi ? me moquai-je tout en foudroyant le conducteur du regard.

- Dis-lui de prendre à droite au panneau bleu et vert, déclara-t-il d'une voix impassible.

   Ce n'était pas la première fois que mon père parlait avec ce ton sévère. En général s'ensuivait une dispute parce que j'étais trop curieuse pour me retenir de lui poser mille questions. Bien sûr que j'aurais voulu savoir de quelle façon il en savait tant sur une ville qu'il ne connaissait - soit disant - pas. Mais je respectais aussi son silence.

   De toute façon, il ne voulait rien me dire.

   Si j'étais venue ici, c'était pour retrouver ma mère. Griffonneau et moi avions toujours vécu tous les deux jusque là et je ne voulais pas que cela change. Je ne venais pas là pacifiquement pour discuter avec ma génitrice non plus.

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant