15. Volte-face

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Adrian.

   Mère était revenue ce soir là, la colère comme seule amie et l'alcool mauvais en guise de conséquence. Elle était venue se moquer de ma lâcheté : elle savait que j'étais trop faible pour quitter l'emprise qu'elle avait sur moi.

   J'avais peur d'être seul, comme s'il était trop tard pour moi. Tout le monde à Celadwel me détestait. J'étais d'autant plus incapable de vivre loin de Castle Down... Ainsi, je ne vivais pas à l'Ogéas par conviction, mais parce que je n'avais pas d'autres choix.

   J'étais Le Captureur. Personne ne pourrait jamais me le pardonner. Je ne me faisais plus d'idées maintenant. Je n'avais pas l'innocence et la pureté de Lissandre, juste l'âme assombrie d'un criminel.

   Je soupirai et m'allongeai sur la paillasse qui me servait de lit alors qu'Althéa poussait les portes de ma chambre. Comme toujours lorsqu'elle était énervée, j'étais l'objet sur lequel elle se déchaînait. Comme si je ne lui servais que d'exutoire, de punching-ball.

   C'était pathétique. J'avais connu ma mère différente, mais ces souvenirs remontaient à si loin que je les avais presque oubliés. Je ne me rappelais que d'un jour où elle avait été une femme et non un monstre : la naissance de ma sœur.

   Je ne fus cependant pas étonné, ce soir, de voir sur son visage les traits d'une femme furieuse. Pas ceux que j'espérais, ma foi, mais ceux d'une chose qu'on aurait eu du mal à qualifier d'humaine.

   Ceux de Parisha, son démon. Ceux que Graves avait affronté un nombre incalculable de fois. Ceux qui annonçaient souffrance et effroi, ceux que j'aurais aimé être capable de recopier pour avoir l'air aussi fort et menaçant.

   Quand elle avançait ainsi vers moi, je n'étais plus le plus grand combattant de l'Ogéas. J'étais un gamin résigné et impuissant. Elle me bloqua par le cou et me projeta contre le mur, emprisonnant mon corps de sorte à ce que je ne puisse effectuer le moindre mouvement. Puis elle passa le couteau sur sa langue et la trancha légèrement, ce qui répandit son sang sur le métal froid de la lame.

   Ce sang que je rêvais de voir gicler dans la pièce, éclabousser les murs et revêtir chaque parcelle de ma peau afin de sceller ma vengeance. Ce sang qui rendait la lame aussi tranchante et brûlante qu'une dague en fusion, ce sang qui coulait aussi dans mes veines comme dans celles de ma sœur. Ce sang là, j'en voulais partout. Partout ! Partout...

   Elle approcha l'arme de ma main, qu'elle avait bloquée devant moi de sorte à ce que je ne rate rien du spectacle qu'elle allait m'offrir. La première personne à qui elle avait infligé cette torture fut Lucasha Jones. Je me souvenais bien de ce jour, elle nous avait forcés à regarder toute la scène.

   Graves avait aimé. Il était à peine né qu'on lui donnait déjà de quoi me noyer d'atrocités. Quand j'étais venu chez Kalys, j'avais pu remarquer qu'il en possédait encore les cicatrices. S'il savait qu'avec moi, elle se permettait bien plus que de simples entailles...

  J'ignorais s'il ressentirait une quelconque compassion pour moi, aujourd'hui. Peut-être qu'il se dirait que c'était mérité pour être né Griffonneau.

  Peut-être même penserait-il que j'étais suffisamment masochiste pour aimer ce qu'elle me faisait... Lucasha nous haïssait tellement, après tout.

- C'est à cause de ton père, si elle nous a échappé. Ton père. Celui qui t'a donné ces beaux yeux bleus. Celui qui se croyait toujours au dessus des lois, au dessus de moi. Il pensait avoir sauvé le monde entier en m'enlevant ma fille ? Alors... Laisse moi lui rappeler QUI il a oublié de sauver ! cracha-t-elle avant de trancher net mon majeur.

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant