13.2 Rêve éveillé

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   Lorsque j'eus retrouvé l'accès à mes sens, je me trouvais dans un long couloir qui semblait infini des deux côtés. À gauche, des portes, à droite, des portes, symétriques, identiques et impossible à différencier.

  Je me relevai, bien que ce fut assez difficile à déterminer étant donné que je ne semblais plus posséder d'enveloppe charnelle. Mon corps produisait une étrange lumière grise, dont la teinte tirait plus sur le blanc que sur le noir.

   Et moi qui pensait que le karma avait déjà rendu mon âme noire de haine et de tristesse, je m'étais vraisemblablement trompée.

- Alors, où penses-tu que tu te trouves, Lissandre ?

   La voix sembla provenir de partout et nulle part à la fois. Je cherchai Mereeb du regard, mais il ne semblait pas se trouver par ici.

   Du moins, pas physiquement, puisque je l'entendais malgré tout.

   Je pinçai les lèvres et écoutai les bruits qui m'entouraient. Chaque porte semblait légèrement vibrer et me paraissait familière, tout en ne l'étant pas plus que ce corps étrange et luminescent.

- Aucune idée.

- Dans ton esprit. Une de ces portes te mènera à la sortie. Bien sûr, si tu ne la trouves pas, je pourrais t'y aider... affirma-t-il d'une voix vicieuse.

   Mais je lui appartiendrais. Cela revenait à lui donner mon esprit, à le laisser en faire ce qu'il voulait. Et lui était certain que j'allais le laisser faire.

   J'avançai vers une porte et poussai la cloison sans pouvoir en ressentir la texture. Si mon esprit ressemblait réellement à ce long couloir, alors il était triste et sans vie.

   Déprimant.

   Sans une seule parcelle de lumière, ni de joie. J'avais du mal à croire que mon crâne pouvait ressembler à cette étendue de portes encastrées... La porte grinça et derrière, une lumière m'aveugla avant de me laisser la vue sur un vieux souvenir.

   Une petite fille tirait sur les cheveux d'une gamine, recroquevillée dans un coin de la cour de récréation. Elle ricanait alors que cette dernière ne bougeait pas d'un poil. Elle tira donc plus fort, encore plus fort, tandis que la plus jeune laissait échapper quelques sanglots. Elle se demandait pourquoi les filles qu'elle pensait être ses amies s'étaient retournées ainsi contre elle... Après tout, elle n'avait rien fait de mal, si ? Peut être que tout était de sa faute ?

   Je fis un pas en arrière, nostalgique, en songeant à cette vieille image dont je ne me souvenais plus vraiment. Ou par bribes, seulement. La revoir ainsi venait de me rappeler que j'avais toujours été seule. Trahie, ou abandonnée.

   Je refermai la cloison sans qu'aucun son ne s'échappe ni de ma bouche, ni de ce souvenir qui semblait s'être muré dans un silence étrange. Comme si l'on venait d'y mettre pause. Je fis demi tour, encore toute chamboulée et secouai énergiquement la tête. Ce n'était pas cette porte là.

   J'en ouvris alors une seconde.

   La même jeune fille marchait dans un champ de lavande. Elle souriait à son ami, un garçon châtain et chétif, dont les cheveux rasés et la peau pâle contrastaient avec ses iris pétillants.

   Ils riaient au sujet d'un poney, qui aurait renversé une vieille dame alors qu'elle tentait de lui infliger une correction non méritée. Les deux enfants ne cessaient de rire alors que le soleil commençait tout doucement à se fatiguer.

  Une voix féminine leur cria de rentrer à la voiture et ils firent demi tour en direction du véhicule jaune. La semaine suivante, la petite fille allait perdre son seul et unique ami.

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant