21.2 L'heure de la vérité a sonné

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- Q-Quoi ? bégayai-je avant de trébucher sur une racine.

   Nous amorçâmes une longue descente couverte de feuilles et d'épines lorsque la voix de Lucasha résonna.

- Je n'en sais pas plus. Espérons que Kalys pourra t'aider.

- Comment tu peux savoir que ce n'était pas un démon ? me défendis-je, persuadée qu'il avait forcément tort.

   Car si c'était le cas, qui allait pouvoir m'aider ? Qui serait en mesure de m'expliquer que tel ou tel phénomène était normal et me rassurer sur la suite des événements ?

- Il y a des règles, chez les mortels comme les immortels. Le doré n'est ni la couleur des célestes, ni celle des démons. Tu aurais dû avoir les yeux rouges. Or, les tiens étaient dorés. Donc je ne peux pas t'aider à ce sujet, désolé.

- Et le nom de Thora, ça ne te dit rien ? insistai-je malgré tout.

- Non, désolé, maintenant arrête d'insister, ta voix me fait mal au crâne.

   Un soupir las quitta mes lèvres et je décidai que j'avais déjà bien trop communiqué avec lui comme ça. Je tentai de me taire mais... Ma voix fut plus rapide et je ne pus empêcher mes lèvres de balbutier ces quelques mots...

- Qui t'a torturé au château ? Et comment tu t'es retrouvé là-bas ? Tu penses qu'ils s'attendaient à ce que je vienne ?

- Ta mère et Mereeb. J'ai été capturé et livré par la famille d'Abigaël et oui, évidemment qu'ils le savaient. D'ailleurs, si j'avais su pour ce mot, j'en aurais été certain, moi aussi. On te sait tous suffisamment stupide pour faire ce genre de conneries.

   Pourquoi avoir tant tenu à poser la question alors que je savais pertinemment qu'il allait me répondre sur ce ton hautain et condescendant ? J'avais un peu honte d'avoir été si prévisible - personne n'avait pourtant prévu le coup à la maison. Il y avait fort à parier qu'il voulait juste me foutre en rogne, donc je décidai de l'ignorer.

   Le ciel avait pris cette teinte sombre, mais une chose était sûre ; nous avions dû marcher au moins trois ou quatre heures. Le clocher ne me semblait pourtant pas si loin.

   Il fallut bien évidemment que cette phrase traverse mon esprit pour que les arbres se tarissent, puis donnent directement sur un chemin damé qui longeait l'église. Je suivis les pas de Lucasha et m'engouffrai dans l'obscurité des lieux, le regard rivé sur les lampadaires qui éclairaient Red Shine Boulevard un peu plus loin.

   Je vivais ici depuis seulement quelques jours et pourtant, revenir en ville me donnait cette impression étrange que j'avais toujours vécu ici. Une sensation de bien être et de sérénité s'empara de moi.

   J'eus presque du mal à penser par moi-même. Comme si quelque chose m'apaisait et lentement, annihilait le froid qui me gelait les os ainsi que l'angoisse qui m'avait si longtemps serré la poitrine.

- Excuse mon céleste, il a tendance à partager ses bonnes ondes avec n'importe qui, annonça Lucasha qui brisa brusquement le silence de la nuit.

   Était-ce déjà son céleste qui m'avait tant apaisé après avoir quitté l'arène ?

   Le souvenir de ses mains sur mes épaules me fit frissonner. Ses doigts n'avaient pas laissé le choix à mon corps et celui-ci s'était gentiment rendu, profitant avidement du réconfort que ses bras lui offraient.

   Je préférais parler de mon corps comme si lui et moi étions deux personnes différentes. Si l'on comptait aussi Thora et ma céleste comme des êtres à part, on obtenait un fameux cocktail de dédoublement de la personnalité...

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant