34.1 Retour dans le passé

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   Le jour se leva timidement lorsque j'eus rejoint la maison et toute sa petite tribu. Nombre d'entre eux étaient pétrifiés par la surprise et la terreur. Il y avait de quoi. Nous aurions pu tous mourir si... Si quoi, d'ailleurs ?

   Nous n'étions pas morts, c'était ce qu'il y avait à retenir.

   Je franchis la porte quand Miller posa une main sur mon épaule et me força à lui faire face. Il avait toujours les mêmes airs de papa poule, mais sur son visage demeurait une expression que je ne lui connaissais pas : de la colère, profonde et sourde.

   Il entrouvrit la bouche, prit une inspiration comme prêt à me révéler quelque chose, puis la referma sans lâcher un seul mot. Sur le coup, j'eus peur de ne pas avoir entendu ce qu'il disait, mais je devinai ensuite à son regard fuyant qu'il n'avait rien dit du tout.

   Je fronçai les sourcils, attrapai sa main pour la dégager de mon épaule tout en y exerçant une pression encourageante. Il n'avait pas besoin que je parle pour comprendre que j'étais avec lui. En revanche, lui devait le faire, car le voir ainsi en colère me mettait mal à l'aise.

- La couronne, tu l'as déjà posée sur ta tête ?

- La couronne ? Ah... Heu, non. Je n'osais pas, mais je la garde toujours avec moi. Elle est si belle... avouai-je alors que je baissai les yeux.

- Je suis heureux qu'elle te plaise. Tu devrais l'essayer un de ces quatre, elle a sans doute des choses à te dire, sourit-il alors qu'il s'éloignait de moi en haussant les épaules.

   Si j'avais pu, je lui aurais posé de plus amples questions, mais à quoi bon... Miller Griffonneau n'en disait jamais plus que ce qu'il avait prévu de dire. S'il avait eu envie de m'en apprendre plus, je serais déjà au courant.

   Je fis demi-tour en jetant un œil à la fenêtre de laquelle j'avais sauté. Pour y retourner et puisque la porte arrière était fermée de l'intérieur, je modelai le feu sous mes pieds pour en faire des marches.

   Puis à mi-chemin, je m'arrêtai. Je venais d'avoir une idée pour le moins... Surprenante. Non pas que ma mère n'y avait jamais pensé, mais rien n'était écrit à ce sujet dans son livre et je trouvais le concept intéressant.

- La rivière de lune coule et nous relie.

   Le lien s'effectua avec le rebord de la fenêtre sans faillir. Je le maintins en expirant lentement, le rendant plus solide à chaque molécule d'air qui quittait mes lèvres.

   Peu à peu, il sembla se solidifier tandis que les fils de lumière se chevauchaient les uns les autres, tressaillant parfois lorsqu'ils connaissaient une perturbation d'énergie. Je détendis mes épaules, fis rouler ma tête pour dénouer les tensions dans mes cervicales et fermai les yeux.

   Evidemment que non, je ne voulais pas déplacer la maison. J'étais quand même assez intelligente pour ne pas détruire la façade.

   Cependant, j'avais une autre idée derrière la tête. Et si ce sort pouvait aussi servir de grappin ? Et pourquoi servirait-il uniquement à attirer les choses vers soi ? Il suffisait de penser autrement, d'inverser la polarité et de décider que nous allions rejoindre la chose liée.

   Après tout, les liens étaient réciproques non ? Je me concentrai afin de sentir mes propres cellules se déplacer - toutes ensemble si possible - vers la destination voulue, à savoir le long du lien. Lorsque j'ouvris les yeux en sentant mon corps se soulever de la plateforme incandescente, je volais paisiblement jusqu'au rebord bétonné.

   Je baissai la tête vers mon père, en contrebas, un sourire arrogant sur les lèvres. J'étais sûre de pouvoir surpasser ma mère. En tout cas, j'allais tout faire pour y arriver.

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant