31. Encore dans les pommes

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   Je posai une main sur son front et en chassai les mèches poisseuses, priant le ciel de trouver quelque chose de plus utile à faire... La maladie de Candide était coriace, têtue, incurable, comme le cancer qui avait rongé les neurones de Jason et me l'avait volé.

   Je plissai les paupières du plus fort que je le pus. Il devait bien y avoir quelque chose en Thora qui pouvait m'être utile, non ?

   Mais j'avais beau chercher, j'avais beau fouiller, j'avais beau pleurer, seule la mort se trouvait au bout du tunnel. La mort et la peine.

- Li... balbutia une voix grasse qui me fit sortir de ma léthargie en une seconde.

- Candide ? chuchotai-je, de peur de lui faire mal au crâne.

   Les garçons se redressèrent à leur tour afin de fixer le regard clos de leur petite sœur.

- Tu... Vas vraiment m'laisser crever ? articula-t-elle avant d'être prise d'une quinte de toux plus puissante que les autres.

   D'épaisses gouttes de sang quittèrent sa bouche et s'écrasèrent sur son menton. Lucasha essuya délicatement le visage de sa sœur, anéanti.

- Je sais pas quoi faire Candide...

- T'essayes même pas... soupira-t-elle alors qu'une larme coulait sur sa joue.

   Mon souffle se coupa. Je n'arrivais plus à respirer.

- T'es lâche...

   Ses propos me heurtèrent de plein fouet. C'était un trait de famille la lâcheté. J'avais pourtant promis de lutter contre...

- Tu... Tu m'as promis ! cria-t-elle alors qu'un filet de sang coulait de sa bouche.

   Elle se débattit en gémissant et Lucasha la plaqua au lit pour éviter qu'elle ne s'épuise totalement. Thora fut du même avis que Candide : après tout, je ne faisais rien. Rien du tout. J'attendais.

   Lâche, faible, inutile.

   Lentement, je me tournai vers Candide. Elle avait cessé de gesticuler. Elle me fixait en retour, les larmes au coin des yeux.

- A l'époque, tu étais impuissante face au sort de... Jason... Mais moi tu... Tu peux faire quelque chose... Même essayer... Juste ça...

   Je dirigeai les fils lumineux de ma céleste vers sa cage thoracique. Elle se cambra et ferma les paupières avant de sombrer.

   Et si j'échouais ? Son corps était ruiné : son sang n'était plus qu'une pâte visqueuse qui glissait difficilement dans ses veines. Les fibres de ses muscles étaient si tendues qu'au moindre effort, elles semblaient pouvoir s'arracher et ne plus jamais se rejoindre.

   Ses os étaient creux, friables, menacés par le simple passage de mes fils. J'essayai de quantifier le travail qui me restait à faire dans son corps : il était colossal.

   Dans un premier temps, j'entrepris de vider ses alvéoles pulmonaires remplies de mucus. L'oxygène put ainsi parvenir à ses poumons et se déverser dans son sang.

   Ensuite, et bien que cela me fit l'effet d'un coup de poignard dans le ventre, je fis accélérer son cœur et lui donnai de la vigueur. Une résistance se faisait ressentir, mais grâce aux forces que je tirais de Thora, celle-ci céda.

   A croire que je partageais la souffrance de Candide, mon propre souffle se fit haletant. Mes bras me faisaient si mal qu'il devenait difficile de les garder levés.

   Ses veines menaçaient de ne pas supporter la pression de son sang, sans parler de ses os autour desquels j'entourai mes fils. Il ne s'agissait pas de reconstruire un doigt, cette fois, mais de remettre un système entier en mouvement pour l'empêcher de s'effondrer sur lui-même. Tout le défi se trouvait là.

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant