Bientôt, nous fûmes entièrement enfoncés dans la forêt. Nous suivîmes le cours de la rivière que j'avais plusieurs fois aperçue sinuer entre les arbres.
Je craignais terriblement de croiser Mereeb une nouvelle fois. La forêt était aussi silencieuse que nous et c'était anormal. On aurait cru qu'aucune vie ne peuplait ces longues étendues forestières.
Ni insectes, ni petits mammifères, seulement les arbres, incapables de se déplacer pour fuir le danger...
Chacun de mes pas entrait en résonance avec le rythme de notre avancée. J'avais du mal à déglutir, mais mon regard était déterminé, attentif.
Les hommes se retournaient souvent et Kalys laissait parfois tomber des choses que je n'arrivais pas à identifier derrière lui. De temps en temps, il prononçait quelques mots, d'autres fois, Yahid jetait des orbes dorées dans des buissons qui prenaient instantanément feu.
Leur nervosité m'atteignait aussi et, par conséquent, j'avais du mal à rester stable sur mes appuis ; mes jambes tremblaient toutes seules. En contrebas d'une côte raide et difficile d'accès se trouvait une cabane en bois, décrépie au fil du temps. Une partie du toit s'était totalement écroulée.
Nous la contournâmes sans tarder et malgré la fumée qui quittait nos lèvres à chacune de nos respirations, nous ne provoquions aucun bruit autour de nous ; comme si nous caressions le sol, aucune branche ne craquait sous nos pieds et pas le moindre frottement de nos vêtements ne parvenait à mes oreilles.
- Nous y serons dans quelques secondes, annonça Yahid alors que Kalys se raclait la gorge.
Il fit deux gestes avec ses mains et déchira le parchemin qu'il avait emporté avec, en prononçant un mot que je ne compris pas. Je n'entendis pas non plus le bruit significatif du papier qui s'écorchait. Je me tournai pour vérifier qu'il n'y avait rien derrière nous...
Mais les environs étaient déserts. Les troncs se confondaient sur des kilomètres. La mousse qui les recouvrait tremblait légèrement sous les variations d'une brise si légère qu'elle ne suffisait même pas à soulever mes cheveux.
Les buissons ne tremblaient pas, dénués de feuilles et ne permettaient non plus aucune cachette. Mon coup d'œil se solda donc par un constat relativement rassurant.
Il n'y avait pas âme qui vive dans le coin.
Mon cœur s'emballa à la vue de toute cette fumée noire qui quittait le parchemin. Bien vite, j'eus l'impression qu'il faisait nuit autour de nous. La peau rugueuse de Kalys attrapa mon bras et je pus me repérer dans la brume grâce à lui.
Une fine ligne se dessina au sol et Yahid plaça un de ses pieds de chaque côté. Il nous fit signe de la main qu'il fallait la franchir, ce que nous fîmes en courant. Il y passa à son tour tandis que la droite lumineuse disparaissait du tapis de feuilles.
Son regard cessa de scruter les alentours et Kalys souffla. La brume avait soudainement disparu, laissant place à un tout autre lieu.
Les arbres étincelaient d'un blanc immaculé et du sable de la même teinte venait s'incruster dans nos chaussures. La température était tempérée, si bien que j'eus soudain trop chaud sous mes dix couches de vêtements. Yahid retira le tissu qui couvrait sa bouche et se tourna vers moi en souriant.
- Ici, nous sommes en sécurité. Bienvenue au Scriptorium !
Je promenai mon regard sur ce qui nous entourait : des arbres en rangées régulières se succédaient à l'infini tandis que devant nous, un chemin tracé à même le fin gravier menait vers un étrange édifice.
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Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}
ParanormalJ'étais pure et innocente, perdue dans un monde trop lisse et régulier pour moi. Je m'y sentais prisonnière, enfermée, suffoquant jour et nuit en quête d'une brève inspiration. Dorénavant, je suis perdue dans un dédale de complots, de congrégations...