Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}

16. Qui est le vrai enfoiré ?

   Lorsque j'eus fini de raconter tous mes malheurs à Kalys, je pris une profonde inspiration. Le ciel étoilé, dont l'absence de nuages confirmait la venue de l'hiver, semblait vouloir me tomber sur la tête.

   L'archange ne disait plus rien et moi non plus. La famille Jones venait de passer devant nous et étaient rentrés à la maison en nous ignorant. J'avais cherché à attirer le regard de Candide, mais elle ne me porta aucune attention… Ce qui me fit bien plus mal que je ne l'aurais voulu.

   Alors ça y était, j'étais devenu un monstre. Qui pourrait me comprendre, maintenant que mes seuls amis avaient oublié mon existence ?

- Ils te laissent seule pour que tu te recentres sur toi même, ne vas pas croire qu'ils t'en veulent...

- Kalys. Ne cherche pas à me consoler, j'ai bien compris, tranchai-je alors que je commençais à trembler comme une feuille, le regard désormais perdu sur le béton uniforme de Raven Street.

   Tout était trop difficile à encaisser, ce soir. La fatigue, le froid... Le gris monotone du macadam et.... Des pieds ?

   Je reportai mon attention vers la personne qui se tenait droite comme un i devant nous. Lorsque mes yeux croisèrent les siens, je sursautai et me préparai à courir au cas où il était venu pour me tuer, lui aussi.

   Ses iris azur n'exprimaient rien, mais sa mâchoire serrée trahissait une certaine nervosité. Il passa une main dans ses cheveux bleu marine pour les ramener en arrière, avant de hausser les épaules en grimaçant.

- Lucasha a déjà dû sentir ta présence, fils Griffonneau, tu devrais t'en aller, ordonna le vieillard en jetant un œil vers la porte de la maison.

- J'ai enfin pris une bonne décision, Kalys, laisse-moi au moins la chance de pouvoir en parler à celle que je suis venu voir.

  Kalys hésita longuement puis se leva afin de rejoindre la maison. Lucasha devait fulminer…

   Puis lorsque l’archange fut hors de portée, j’examinai une nouvelle fois mon grand frère. Il tenait une veste en cuir dans une main, tandis qu'il cachait l'autre dans la poche de son jogging.

   Son regard semblait éreinté et ses muscles gonflés de fatigue ; il avait dû courir, car son visage trahissait la souffrance physique. Je me demandais bien ce qu'il faisait là, son allure n'était pas celle de quelqu'un qui venait combattre, mais plutôt celle de quelqu'un qui prévoyait de s'en aller.

- Salut, réussis-je à prononcer alors qu'une esquisse de sourire voilait ses lèvres.

- Comment tu te sens ? demanda-t-il d'une voix neutre et terne.

   Je gloussai avant de passer mon visage entre mes mains. Si j'allais bien ? La question se posait, il était vrai, seulement je n'en connaissais pas la réponse. En réalité, je me sentais libérée et je culpabilisais à la fois.

   Yahid aurait pu perdre la vie ce soir.

   Ma voix traversa toutefois mes lèvres d'un ton abattu.

- Comme une personne qui vient de débarquer dans un autre monde. Et toi ?

   C'était vraiment bizarre que nous ayons cette discussion. Nous n'avions jamais eu l'occasion d'échanger plus de trois phrases sans être coupés, d'une façon ou d'une autre. On avait beau me le décrire comme un monstre, à cet instant il était mon frère, ni plus ni moins.

   Et puis bon, à qui se fier pour juger quelqu'un dans cette foutue ville ? Lucasha ? Il détestait tout ce qui s'appelait Griffonneau, peu importait bien la personne, peu importait bien ses intentions.