1.2 Le taxi...

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   Je fis un mouvement vers mon sac, en sortis une épaisse enveloppe brune et la déposai sur le comptoir. Son regard glissa du papier à moi une dizaine de fois. Je soupirai d'exaspération et posai les poings sur mes hanches. Deux de tension, celle là !

- Pas besoin de l'ouvrir. Y'a pas grand monde qui vient s'installer par ici. Vous êtes Lissandre Griffonneau ?

   Et ben voilà, quand on veut on peut !

- C'est moi, oui.

- Ok, venez.

   Sans plus de fioritures, elle se leva, attrapa son sac et mon enveloppe et se dirigea vers la sortie. Ma valise sur les talons et les pieds en compote, je la suivis sans un mot.

   Elle me fit traverser la rue d'un pas hâtif et se stoppa net devant une maison sur deux étages. Construite en pierre sombre, de petites gargouilles avaient été sculptées à ses coins et autour des portes. La porte d'entrée en bois massif lui donnait un air de manoir hanté.

   Ce côté obscur était heureusement réchauffé par les plantes qui s'épanouissaient autour. Il y avait aussi, le long de la rue, de petites barrières qui séparaient les pavés d'une plate-bande de rosiers. Cette association de contrastes était à l'image de la forêt noire et blanche.

   Pourquoi avoir voulu donner un côté lugubre à la bâtisse pour ensuite l'adoucir avec toutes ces plantes et cet entretien impeccable ? C'était un peu une maison schizophrène, me dis-je en pinçant les lèvres.

   Restait à découvrir l'intérieur et plus important, la fratrie composée de deux garçons et d'une fille avec qui j'allais devoir cohabiter un certain temps.

   La blonde fouilla dans son sac et j'en profitai pour observer un peu la rue quand un regard croisa le mien. Un regard qui, immédiatement, me mit mal à l'aise.

   Mon cœur s'accéléra, mes jambes s'ancrèrent férocement au sol et mes sourcils se froncèrent. J'ignorai pourquoi, mais ce visage émacié semblait hors du décor. Hors du temps. Hors de tout.

   Cet homme était à peine plus vieux que moi. Toutefois, il avait les yeux de mon père. La même couleur, la même forme. Une violente vague de peur mêlée à de la surprise me figea. Mon souffle se coupa une seconde, tandis que l'homme affichait une mine ahurie.

   Il se contenta pourtant de me fixer, comme tous les habitants de la ville. Ce regard posé sur moi me fit frissonner de... De quoi d'ailleurs ? De terreur ? Je n'en savais rien.

- Bon hé, mademoiselle Griffonneau, j'ai pas toute la journée !

   Je bondis tel un fauve lorsque la jeune femme saisit mon bras et me retirai vivement de sa poigne. C'était comme si ce simple contact m'avait brûlée au troisième degré.

- Désolée, je meurs de faim et de fatigue, allons-y.

   Elle ne répondit rien et ouvrit la porte en me laissant passer devant. Elle me fit découvrir l'étage du bas, avec son salon bleu pastel et sa cuisine ouverte qui donnait sur une pièce annexe. Il y avait un jardin, à l'arrière, ainsi qu'une large terrasse en pierre.

   Nous montâmes ensuite les escaliers et elle ouvrit la porte de ma chambre. Évidemment, elle n'était meublée que d'un sommier et d'un simple lustre, mais il y avait matière à y aménager quelque chose d'agréable.

   Nous retournâmes finalement dans le salon, où une drôle de fille avait investi le canapé. A notre vue, elle extirpa son corps frêle des coussins et se dressa devant nous sans un mot.

   Ses cheveux noirs tombaient autour d'un visage diaphane. L'iris et la pupille de son regard cerné de violet étaient si foncés qu'ils se confondaient. Elle était un peu creepy, mais elle n'avait pas l'air cannibale. Je me raclai la gorge et approchai d'elle en lui tendant ma main.

Anges, Démons, et puis quoi encore ? {TERMINÉE}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant