La défaite avait l'odeur des braises.
Il sut qu'il avait perdu à l'instant même où la corde se noua autour de son cou. Ses pieds quittèrent le sol progressivement, à mesure que sa trachée se comprimait. Pour la première fois de sa longue existence, la peur l'empêchait de réfléchir correctement.
Oh, il connaissait bien la peur, ne vous méprenez pas. D'ordinaire, il prenait un malin plaisir à la provoquer. Les visages tétanisés et le sentiment de toute-puissance qu'ils créaient étaient la récompense ultime du destructeur de mondes. Ce qu'il préférait par-dessus tout, c'était le moment où la victime prenait conscience de l'inévitable, qu'elle arrivait prématurément au dernier chapitre de sa vie.
Quel pied ! Il avait si souvent étudié le phénomène qu'il en connaissait la mécanique sur le bout des doigts. D'abord, le rythme cardiaque s'accélérait, la peur s'emparait de chaque parcelle du corps tandis que l'espoir s'évaporait, la stupeur se transformait en léthargie, les membres s'agitaient de tremblements. Pendant quelques secondes, on était dans le flou le plus total, le cerveau baignant dans une brume épaisse. Ensuite, l'instinct de survie reprenait le dessus. Certains se mettaient à pleurer, tentaient de marchander, imploraient qu'on les épargne. Bien sûr, il n'épargnait jamais personne. D'autres choisissaient de se battre jusqu'à leur dernier souffle, de ne pas baisser les bras sans rien tenter. Il respectait ceux-là ; ils partaient en guerriers. Il aimait se dire que s'il devait tirer sa révérence, il le ferait de cette manière : en emportant son bourreau avec lui, si possible.
Encore trois ans auparavant, l'idée que quelqu'un puisse le vaincre lui aurait semblé ridicule. Il était un dieu. Il avait conquis tant de mondes, les avait façonnés à son image, avait changé des paradis en enfer et exterminé des civilisations évoluées. Il possédait le droit de vie ou de mort sur des êtres insignifiants.
Alors pourquoi ne pouvait-il pas la battre, elle ?
Elle n'était qu'une humaine minuscule. Les humains étaient faibles par nature, mais pas elle. Elle était différente, et pas seulement à cause de ses pouvoirs psychiques.
Elle n'est peut-être pas tout fait humaine, pensa-t-il en croisant son regard.
Oui, il y avait autre chose. Un éclat de démence au fond de ses yeux noisette.
La corde se serra de plus belle ; il faisait de plus en plus chaud. Il allait devoir agir s'il ne voulait pas mourir lamentablement.
«Arrête, ça, El... On va trouver un autre moyen... Tu vas tuer Mike...» Souffla Hopper en tentant de se relever.
Décidément, ce shérif était plein de surprises. La raclée qu'il venait de prendre aurait dû le clouer au sol un long moment et voilà qu'il rampait vers sa fille.
L'air vint à manquer dans ses poumons. Aurait-elle l'audace d'aller jusqu'au bout ?
Une autre partie du toit s'écroula. Pendant une fraction de seconde, le Flagelleur cru entrevoir une diversion qui pourrait lui permettre de s'en sortir, mais avant même de toucher le sol et d'écraser qui que ce soit, les débris furent projetés à plusieurs mètres. La fille générait un champ de force sans même avoir à y penser. Fait assez étrange pour être noté, les saignements de son nez s'étaient estompés.
«Sortez d'ici avant que tout ne s'effondre» se contenta-t-elle de répondre d'une voix rauque et calme .
Elle fit léviter la corde et son macabre paquet au-dessus du golem qui brûlait toujours. Elle envisageait de le faire cuire à la manière d' un vulgaire bout de viande, comme s'il ne s'agissait pas du corps du jeune Wheeler. La chaleur devint insoutenable. Une horrible douleur le traversa de part en part. En ville, les cohortes de zombies se figèrent et poussèrent des hurlements monstrueux.
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Stranger Things : Nouvel An Mortel (fanfiction)
FanfictionHiver 1986. Deux années se sont écoulées depuis la fermeture du laboratoire. Le calme s'est installé à Hawkins et nos héros ont repris leur routine. Jusqu'à ce qu'un homme soit repêché mort dans un lac. Très vite, la ville se retrouve plongée dans...