Chers lectrices et lecteurs,
Je tenais à partager avec vous cet extrait d'un livre que je m'entête à écrire( un jour j'y arriverai..) et qui me tient à coeur au regard de ce qui se passe actuellement sur notre belle planète.
Je l'ai mis dans ce recueil car il a un petit côté poétique.
Bonne lecture et n'hésitez pas à me corriger et à commenter...
L'aube est toujours grisonnante avant le lever du soleil. Le sable qui recouvre le sol semble flotter en surface avant d'être balayé par les bourrasques matinales. Le silence est partout, si envahissant qu'il bourdonne à mes oreilles comme une nuée d'abeilles égarées. Je n'ai jamais rencontré d'abeilles, elles avaient disparu bien avant que je naisse.
À notre première rencontre Gaïa m'avait dit :
« Écoute le silence et il te parlera. Il te racontera l'inconnu, l'inimaginable et tu l'entendras. Le soleil est comme la rose qui s'ouvre au matin, le sable comme la mer qui dessine les vagues, le silence est l'écho du bourdonnement des abeilles ».
Je voyais le soleil, le sable, j'écoutais le silence mais pour le reste je ne l'avais vu que dans les livres.
« Je peux te raconter l'histoire de la rose et de l'abeille, quant à la mer si elle existe encore elle est bien trop loin pour que tu l'atteignes... »
« Au commencement, bien avant la venue de l'homme sur cette terre, une fleur apparut. Je ne saurais te dire pourquoi ni comment mais c'était une véritable splendeur colorée aux senteurs extraordinaires. Vêtue de sa robe de velours aux pétales ourlés protégeant son cœur fragile, elle désirait s'étendre et se multiplier pour recouvrir le monde de sa beauté superbe. Mais la fleur ne pouvait pas marcher, prisonnière de sa tige ancrée au sol et par laquelle elle se nourrissait. Une saison passa et notre amie, prise au piège de son immobilité, se mit à dépérir. Ses pétales se détachèrent un à un, puis peu à peu sa tige se courba et son cœur, démuni de protection, vint toucher le sol et pourrit dans l'humidité du sous-bois. La saison suivante, à l'endroit même où la fleur avait péri, sorti de terre un nouveau bourgeon tenant lieu et place de sa précédente défunte. La nouvelle était plus belle encore, plus éclatante, et, dans la douceur printanière, son éclosion fit le ravissement d'une abeille. Cette dernière n'avait jamais rien vu de si beau. Rayonnante dans la pénombre des arbres millénaires elle se voulait l'étoile dans le ciel du matin, celle qui brille encore au lever du soleil. Quelques gouttes d'eau semblable à du cristal s'aventuraient alors sur sa parure soyeuse aux couleurs du soir, rose comme l'horizon parfumé d'une nuit qui s'annonce. Sa tige surmontée d'épines qui à chaque étage semblaient couronner sa beauté faisait d'elle la reine du bosquet. L'abeille virevoltant autour du joyau, humant les effluves enivrants de ladite reine, finit par se poser sur l'un de ses pétales.
La rose réagit ardemment.
- N'avez-vous point de honte à vous tenir ainsi, agrippée à ma robe comme la feuille l'est à l'arbre ? Grossière infamie de la nature d'être si laide quand vous me voyez si belle. De quelle espèce êtes-vous donc pour oser croire que je me laisserai faire. Votre corps tigré affublé d'horrible ailes transparentes m'étreint et m'étrangle, et dans ma fureur immobile je vous prie instamment de partir rejoindre vos semblables.
L'abeille reprit son envol, fit le tour de la fleur et se posa cette fois-ci en son centre. Elle ne pouvait pas accéder à son cœur tant il était protégé par sa jeunesse. Les pétales s'y trouvaient si denses que l'effort aurait été vain. Elle répondit pourtant à l'affront de la reine.
- Madame, qu'aurais-je pu donner pour être votre égal et partager vos craintes ? Vos allures délicates et votre parfum envoûtant n'ont d'uniques raisons que votre raison ignore. Je n'ai que faire d'une beauté sans pareille si elle est éphémère. Chaque fleur est ainsi faite pour mourir à la suivante. Il n'y a pas de vie si on se veut unique. Chaque chose en ce monde s'alimente de l'autre. Je dépends de vous comme vous dépendez de moi. Demain, sans doute, vous ouvrirez votre cœur et je serai là pour le cueillir, permettez-moi simplement d'attendre cet instant en votre compagnie.
- Je n'ai que faire de sermons futiles. La nature m'a doté d'épines pour que quiconque ne puisse me cueillir. N'a-t-elle pas fait de moi l'éternelle ? Voyez par quel miracle je suis née, qui oserait me faire mourir ?
- Madame, il n'y a pas de miracle à votre éclosion, pas plus qu'il n'y en a pour le reste du monde. Votre prétention vous rend aveugle à ce qui vous entoure. Au printemps dernier, ici même où vous êtes née, se trouvait une fleur, certes moins belle mais tout aussi éphémère. Aucune abeille ne put la butiner pour en prélever l'essence même de son existence, son cœur était bien trop fermé. Elle mourut l'hivers venu, emportée par le froid et la solitude. Ne m'en voulez pas mais elle serait morte de toute manière. Or, elle n'a rien laissé derrière elle, juste un souvenir. La vie n'existe que si elle est transmise, elle ne le peut que par l'héritage. Il n'y a pas d'avenir sans passé et le passé s'efface sans avenir. Je suis de celles qui transmettent, je peux porter votre semence à travers le temps pour que toute cette beauté qui fait de vous une reine reste éternelle comme vous le désirez tant.
La rose n'eut pour unique réponse l'intelligence d'ouvrir son cœur pour qu'y pénètre la bienheureuse. Elle avait compris qu'elle n'était rien sans l'abeille, tout comme l'abeille n'était rien sans elle. Des siècles durant, son éclat resplendit dans le monde entier, tantôt rouge, tantôt jaune ou encore noire ».
Et puis il y eu l'homme...
