CHAPITRE 2

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Je suis déçue par l'aspect miteux et salle de la devanture de la boutique indiquée par l'adresse. Située sur les quais de Seine, l'odeur nauséabonde des égouts envahit la rue, et rien ne permet de distinguer en quoi ce magasin est différent des autres.

Un panneau à moitié décroché laisse entrevoir l'inscription ANIMALERIE & COMPAGNIE, mais la vitrine est tellement poussiéreuse que je ne peux distinguer un quelconque animal à l'intérieur.

-Euh, demandé-je à ma mère, tu es sûre  que nous sommes au bon endroit ?

Oui, se souvient ma mère, c'est ici que mon père et elle étaient venus, il y a une dizaine d'années, pour une affaire urgente, une histoire de lettre pour le soi disant ministère de la magie.

-Le gérant, continue ma mère, est un sorcier, qui s'occupe d'établir les connexions entre les deux mondes. Atlas disait que l'on pouvait compter sur lui comme un allié sûr. Et puis de toute façon cette adresse est l'unique piste que nous avons.

Sur ses mots, elle franchit la porte abîmée par le temps et s'engouffre dans notre seule chance de prendre contact avec les sorciers.

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Je la suis et à ma grande surprise découvre une boutique remplie de chouettes et autres volatiles imposants, piaillants dans un fracas épouvantable. Des cages sont alignées le long des murs, et tapissent toute la pièce.

C'est effrayant à voir, à entendre et à sentir. Nous nous trouvons donc dans une espèce de poste/relais, remplie de hiboux qui me regardent d'un air méchant, qui semblent pouvoir lire dans mes pensées.

Euh... Gentil oiseaux... Je ne mange pas de volaille...

Ma télépathie n'a pas l'air de fonctionner, et c'est en frisonnant que je m'avance jusqu'au comptoir, où se tient un homme presque chauve, aux lunettes aussi rondes que les yeux des volatiles qu'il garde.

-Bonjour, que puis-je faire pour vous chère madame ? Nous accueille le gérant avec un accent anglais horriblement fort. Souhaitez-vous un charmant chat huant de compagnie ?

Je regarde la bête qu'il nous désigne. L'oiseau fait un mètre de haut, et croasse hargneusement avant de dévorer un probable reste de rongeur au fond de sa cage.

Ma mère nullement décontenancée répond.

-Ecoutez je ne suis pas une sorcière mais mon mari l'était, vous le connaissiez je crois...

L'homme la regarde avec surprise.

-Des moldus qui connaissent le monde des sorciers ! Voici quelque chose qui va égayer ma journée, sourit-il.

Euh moldu ? Quesako ?

-Oui bien sûr ! Reprend l'homme. Je vous reconnais maintenant, vous êtes la femme d'Atlas, comment ai-je fait pour vous oublier ! Pardonnez-moi je ne me souviens plus de votre nom...

-Anna, coupe ma mère. Anna Duclos.

-Bien sur ! Le nom n'avait pas pourtant l'air de rappeler un quelconque souvenir au petit homme à lunettes. Et que me vaut le plaisir de votre visite ? Du courrier pour le monde des sorciers ?

-Écoutez de vais être franche avec vous, vous êtes la seule personne que je connais qui soit... Qui appartienne... Qui...

- Le seul sorcier que vous connaissiez ? L'homme fronce les sourcils en posant sa question.

-Oui. Ma fille, si je ne m'abuse, a dû hériter des pouvoirs de feu mon mari, mais je ne sais pas ce que je dois faire maintenant. Atlas m'avait parlé d'une école, où elle pourrait apprendre à maîtriser ses compétences...

-Oui bien sur ! Le vendeur s'enthousiasme et se tourne vers moi. Je jure que s'il dit encore une fois "bien sûr" je lui mets une tarte. En quelle classe es-tu ? Me demande-t-il.

-Je vais entrer au collège en septembre prochain.

La sixième. Déjà. Que j'ai hâte de quitter ma primaire affreuse. Et si seulement je pouvais aller dans l'école de mes rêves, Poudlard !

-Bien bien... Réfléchit le sorcier. Voyez-vous, il n'y a pas grand chose que vous puissiez faire. Les enfants sorciers dont les parents ne sont pas au courant reçoivent une missive d'un de ces établissements pour sorciers avec des indications pour s'y rendre et acheter du matériel.

-Alors... nous devons juste attendre l'arrivée d'une lettre ? Je demande, peu convaincue.

-J'en ai bien peur.

-Mais... Comment vont-ils nous retrouver ? Ma mère s'énerve. Et puis je refuse que cette situation continue, elle a déjà assez durée. Il reste à ma fille plusieures semaines de cours, et ses pouvoirs deviennent de plus en plus visibles. En plus, je doute que l'on puisse cacher ses manifestations plus longtemps, et alors je ne sais ce qui arriverait si tout le monde apprenait sa... Particularité.

Dire que le sorcier semble contrarié serait un euphémisme.

-C'est une situation extrêmement fâcheuse, dit-il, plus pour lui-même qu'à notre intention, nous devons tout mettre en place pour éviter que les moldus apprennent notre existence. Nous avons assez de soucis à régler entre sorciers comme cela je vais devoir appeler...

Il laisse sa phrase en suspension. Pendant plusieurs secondes, le vieil homme réfléchit tellement que j'ai l'impression de voir les rouages de son cerveau tourner.

-Ecoutez, reprend-il enfin. Atlas a toujours une famille, peut-être peuvent-ils vous héberger jusqu'à la rentrée scolaire de cette demoiselle?

L'accord n'a pas l'air de plaire à ma mère. Cela dit, elle travaille tout le temps, sans vacances, le soir et le week-end. Je ne la verrai pas forcément moins.

-Pouvez vous les contacter ? Demande-t-elle à ma grande surprise, moi qui pensais qu'elle refuserait en bloc. Izé est vraiment trop mise à l'écart et malheureuse pour que cette situation dure. De plus je ne savais pas qu'elle avait une famille du côté de son père. Si c'est le cas, elle doit les rencontrer.

Aussitôt dit aussitôt fait, le vendeur qui s'est finalement présenté s'appelle David Bullet. Il tend un parchemin à ma mère qui s'empresse d'écrire une courte missive pour sa belle-famille.

À mon plus grand étonnement, David ouvre la cage du chat huant et lui fourre le parchemin roulé dans le bec. En deux secondes, l'oiseau s'envole par la grande fenêtre qui donne sur une rue déserte. Je reste bouche bée devant cette aeropostale efficace. Vive AirHibou !

Il ne nous reste maintenant plus qu'à attendre, en espérant que notre démarche n'aura pas été vaine. Ma mère et moi repartons de l'animalerie pleines d'espoir et d'illusions.

Sans maison à PoudlardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant