Sans maison à Poudlard

CHAPITRE 39

Le cours de Botanique terminé, nous nous rendons impatients dans la grande salle pour déjeuner.

- Rho, râle Vera alors que nous franchissons les massives portes sculptées, comment pouvons-nous toujours être troisième ?

Elle parle sûrement des gigantesques sabliers de couleur, desquels s'égrainent occasionnellement une poignée de perles sphériques. Le sablier bleu est effectivement bien moins rempli que le jaune des Poufsouffle, et se hisse à peine devant le rouge des Gryfondor.

-C'est surtout que nous sommes derrière les Serpentard ! Grommelle Élina qui ne semble pas avoir beaucoup d'affinité avec cette maison. La honte !

En pénétrant dans la grande salle, je croise le regard de Ted qui, plongé en pleine conversation avec la directrice de sa maison Madame Zambala, fixe un instant ses iris perçantes dans le miennes.

Je détourne immédiatement les yeux. Et merde. Et s'il m'avait reconnue ? N'oublions pas qu'il est lui-même métamorphomage, et qu'il me connaît assez bien pour m'avoir entraînée à changer d'apparence tout l'été.

Je m'excuse précipitamment auprès de Madison et sort en panique de la salle, peut-être le comportement le moins discret à adopter dans une situation d'anonymat comme la mienne. Mais c'est l'angoisse qui contrôle mon corps désormais. S'il sait que c'est moi, va-t-il essayer de m'en parler, au risque de ruiner ma couverture ? Ou en réfèrera-t-il directement avec un adulte ? Et lequel ?

Seule dans l'entrée du château, je reprend mes esprits peu à peu. Ce regard, il aurait pu être adressé à n'importe qui. C'était juste une coïncidence. Ted n'a pas pu à cette distance reconnaître mes traits que même moi ne distingue plus.

Puis les battements de mon cœur reprennent de plus belle quand j'aperçois mon reflet dans une glace du couloir. Mes cheveux ! Ils sont redevenus châtains et bouclés !

Pourquoi faut-il que ça m'arrive maintenant ? Je ne dois pas laisser mes émotions dominer ma raison. Me cachant comme je peux dans une alcôve abritée, je réussis tant bien que mal à redonner à ma coiffure son aspect noir jais habituel à Sarah Gelbero. Heureusement que tous les élèves sont affamés et que personne ne traîne dans l'école à cette heure ci, sinon mon camouflage aurait été réduit à néant en une journée à peine.

Prenant mon courage à deux mains, je pénètre une deuxième fois dans la vaste salle à manger. Ted est attablé aux côtés de Victoire, et ne me prête aucune attention quand je passe à son niveau. Un poids s'envole de ma poitrine alors que je m'assois devant mon assiette plus très fumante.

-Désolée, problème de fille, expliquais-je pour justifier mon retard, bien qu'à à peine onze ans je sois loin d'avoir mes règles. Mais bon, Yann et Oliver n'ont aucunement besoin d'en savoir plus et d'ailleurs personne ne me pose aucune question, la discussion tournant désormais autour du prochain match de quidditch.

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Notre après-midi étant libre, notre groupe de six décide de passer un peu de temps dans le parc, principalement pour s'avancer dans les devoirs de botanique. Le professeur Londubat nous a en effet demandé pour le prochain cours de mémoriser le nom des nombreuses espèces de plantes qui peuplent les rives du lac de Poudlard, et de savoir les reconnaître.

Mal à l'aise comme à chaque fois près de l'étendue d'eau, je repense aux terribles selkies qui patientent sûrement dans la vase croupie, espérant qu'une pauvre proie ait le malheur de s'aventurer trop loin du rivage.

-Et celle là, m'interroge Élina, me tirant de mes sombres pensées, tu dirais que c'est une campanule des marais, ou une aconit napel ?

Je hausse les épaules, bien incapable d'identifier la petite fleur violette qui pousse en bosquets désordonnés. Élina ne s'avoue pourtant pas vaincue et feuillette à toute vitesse son Encyclopédie des Herbacés Vivaces de Grande-Bretagne.