CHAPITRE 14

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-Les premières années par ici ! Crie un géant d'au moins deux mètres de haut et un de large.

Je me rapproche de sa silhouette imposante. Barbe et cheveux grisonnants, il semble pourtant dans la fleur de l'âge.

-Je m'appelle Hagrid, explique-t-il, et je suis le garde chasse et le professeur de soin aux créatures magiques de cette école. Je vais vous conduire au château, alors suivez-moi calmement.

La troupe de premières années se met en marche et descend les escaliers menant à un lac plongé dans l'obscurité.

-Répartissez-vous par groupe de quatre et montez dans ces barques, détaille notre accompagnateur en grimpant seul dans un bateau plus conséquent. Visiblement il dépasse le poids maximum autorisé à bord des frêles embarcations.

Je monte avec Hélène, Leo et Dorian dans un bateau un peu trop tangant à mon goût, tandis que Louis, Samantha et les jumeaux embarquent dans celui d'à côté.

Le château n'est pas encore distinguable entre la nuit et le brouillard et les bruits enthousiastes des élèves sur le quai ont fait place à un silence inquiet.

-Vous pensez qu'on va devoir ramer ? Râle Hélène en se penchant sur l'eau trouble et noire. Parce qu'il est hors de question que je m'y colle.

Pour toute réponse, Dorian fait mine de la pousser à l'eau, mais avant que l'affrontement ne dégénère, notre embarcation démarre tranquillement et commence la traversée du lac.

De longues minutes durant, nous contemplons en silence la haute silhouette du château qui se dessine. Le silence nous guide au milieu des flots.

On se croirait dans un autre monde, perdu dans la brume noire, figés hors du temps. Un monde de légende, où nous serions des héros en quête d'aventures.

Soudain, Leo le Boutonneux pousse un cri de frayeur. Il vient de rompre tout le charme magique de l'instant.

-Là ! S'affole-t-il. Une bête ! Une créature affreuse !

-Tais-toi, claque Hélène, arrête de dire n'importe quoi.

-Je te jure ! Une femme à la peau grise, des cheveux verts, des crocs...

-Peut-être une Selkie ? Proposé-je pour calmer la tension instaurée d'un coup.

-Tu as entendu les deux jumeaux, panique Dorian, elles ne sortent que lorsqu'elles ont faim. Elles vont venir nous manger ?

Je pouffe. Voilà à quoi ressemble les deux futures terreurs de Serpentard. Deux gosses effrayés dans le noir.

-Heu... S'inquiète à son tour Hélène, ils sont passés où les autres ?

Ça, c'est une bonne question. Je n'avais pas remarqué mais toutes les barques des autres élèves ont disparues. Ou plutôt, nous nous sommes tellement éloignées que nous ne les voyons plus.

-Bateau magique ? Appelle Dorian un léger tremblement dans la voix. Tu nous fais quoi là ? On va au château nous...

Effectivement, nous nous éloignons de plus en plus de l'énorme bâtiment. Quelque chose cloche, définitivement.

L'eau autour de nous s'agite et tourbillonne. Et surtout, nous accelerons notre rythme de croisière.

Je vois tout à coup une main squelettique sortir des flots et s'accrocher quelques secondes à la coque du navire.

Une main crochue. Et verte. Nous hurlons en cœur tous les quatre.

-Lumnos ! Hélène vient d'allumer sa baguette magique, nous entourant d'un halo de lumière dorée.

Cela dit, la situation était en réalité moins terrifiante dans l'obscurité qu'éclairée.

Une dizaine de femmes poissons à la peau grise verte entraînent notre bateau  à l'écart, sûrement dans leur grotte pour nous dévorer. Leurs ricannents laissent entrevoir des crocs acérés. Le château rétrécit à vue d'œil.

Qu'a dit Lorsan déjà ? Surtout, ne pas toucher l'eau, ou celles qu'on appelle les sirènes démoniaques vous entraîneront sous la surface et vous finirez noyés. Il semblait si pressé de rencontrer une Selkie en vrai, j'échangerais bien ma place avec la sienne.

-Ne touchez surtout pas l'eau, recommandé-je au trio, sinon on est foutu ! Aucun de nous n'en mène large et nous assistons, passifs, à notre kidnapping.

Dorian tente de ralentir le bateau en se balançant d'avant en arrière. Mauvaise idée. Un bras visqueux jaillit de l'eau et l'attrape instantanément. Il s'en débarrasse, mais le contact avec sa peau nue laisse une marque rouge et poisseuse.

Je grelotte de froid et d'impuissance. Le message est clair. Restez tranquilles ou personne ne vous retrouvera jamais.

Je pense aux autres élèves, sûrement déjà arrivés. Les professeurs ont-ils remarqués qu'une barque manquait à l'appel ? Sont-ils partis à notre recherche ? Quelqu'un se rendra-t-il compte de notre disparition avant que nous ne soyons dévorés ?

J'ai perdu toute notion du temps pendant la traversée. Depuis quand sommes nous partis ?

La cadence s'intensifie encore et le bateau, tiré par une dizaine de femmes poissons, fuse à toute allure sur les eaux glacées.

En deux minutes, nous atteignons la rive opposée du lac. Le château est désormais invisible, caché par de hauts arbres denses.

-C'est la forêt interdite, chochotte Leo, il paraît qu'il y a plein de créatures terrifiantes qui attaquent les élèves qui s'y aventurent.

-Parce que tu crois qu'il se passe quoi là ? Répliqué-je de plus en plus terrifiée par notre enlèvement.

Peu à peu, les vagues autour de nous semblent se calmer et le roulis de la barque s'apaise.

Nous nous trouvons à quelques mètres du rivage, si proches de la terre ferme. Les Selkies semblent avoir disparues dans l'eau glacée.

Aucun de nous ne parle, se demandant si nous sommes réellement hors de danger. Ma respiration se fait moins sifflante. Je ne serai peut-être pas dévorée ce soir.

Nous n'osons toujours pas parler, de peur d'une embuscade des sirènes. Pourquoi nous ont-elles emmenées et abandonnées ici ? C'est Dorian qui le premier brise le silence.

-Qu'est ce qu'on fait maintenant ? Moi, je ne mets pas un pied dans ça.

Ça, c'est la boue stagnante dans laquelle nous flottons.

La rive n'est pas très loin, mais la noirceur de l'eau nous empêche de mesurer la profondeur du lac. A contrecœur, je finis pas plonger ma main dans la vase croupie et sombre. Aucune Selkie ne tente de m'attraper pour me faire chavirer.

Avec nos avants bras immergés dans le liquide boueux jusqu'à l'épaule, nous parvenons tant bien que mal à ramer jusqu'à ce que notre embarcation s'échoue sur un banc de cailloux gris.

Nous sautons à terre, tirant la barque au sec, plus perplexes que soulagés. La clairière qui nous entoure est menaçante, plus silencieuse qu'un cimetière.

-Quelqu'un peut m'expliquer ce qui vient de se passer ?

Avant que quiconque ait pu répondre à Hélène, un flash aveuglant nous éblouit, illuminant les alentours déserts. Le sort frappe Dorian de plein fouet, qui s'écroule par terre sans un son.

Sans maison à PoudlardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant