CHAPITRE 5

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Paniquée, je m'approche du corps inerte de Lucas, le plus proche de moi. Heureusement je le vois respirer, et les autres aussi. Ils sont juste assommés sur le sol, rigides et froids comme des cadavres, mais vivants.

Je m'écroule sur le béton, j'inspire, j'expire, pour essayer de refouler la terreur qui déferle en moi. Je tremble de tous mes membres. J'ai froid.

Après cette scène, la cour est plongée dans un silence lugubre. Je reste une bonne dizaine de minutes à reconstituer mes esprits et à me masser ma gorge endolorie. Est-ce vraiment moi qui ai provoqué tout cela ?

Ma mère sort enfin du bureau de la directrice.

-J'ai entend des cris, tout va b...

Sa question meurt dans sa bouche au moment où elle arrive dans la cour. Elle se fige en apercevant les corps étendus autour de moi, et mes affaires éparpillées.

Je suis en état de choc, toujours prostrée sur moi-même. Mes cheveux n'ont pas retrouvé leur couleur habituelle, ils sont encore blancs comme neige et coupés à la garçonne.

Mais tout va bien. Tout va bien, car dans ma main, mon précieux bouton est intact.

-Izé... Que... Que c'est-il passé ? La voix de ma mère me ramène à la réalité.

Comprenant que la situation est sérieuse, elle me prend dans ses bras et m'enserre pendant quelques minutes. Cette étreinte me fait un bien fou.

-Ma chérie, finit par me chuchoter ma génitrice, cette période a été très difficile pour toi, mais elle est terminée maintenant. Je te connais, et je sais que tu ne blesserais jamais personne volontairement et sans raison. Si ces personnes sont étendues là, c'est qu'elles le méritaient, et que tu n'avais pas le choix.

Nous nous relevons doucement.

-Cette scène montre que tu sais te défendre, ajoute-t-elle, mais n'oublie jamais que la violence ne résoudra en aucun cas tes problèmes.

Je le sais bien. Pour me le rappeler, il suffit que je regarde les corps étendus devant moi. Des gosses remplis de mal être, incompris, n'ayant d'autre réponse que la haine et la violence. Curieusement, je ne parviens plus à les haïr. Je me sens libérée. Peut-être est-ce par ce que je les vois pour la première fois comme ce qu'ils sont vraiment, des corps sans défense.

Corps qui, par ailleurs, commencent à s'agiter. Ils ont l'air de se reveiller.

-Allons-nous en, tranche ma mère en me prenant la main. Tous les détails pour le changement d'école sont d'ors et déjà réglés. Ces quatre là n'auront qu'à trouver tout seuls une explication à ce qui vient de se passer.

En franchissant la grille donnant sur la rue, je regarde une dernière fois mon école, lieu où j'ai passé ces cinq dernières années. Mon regard s'arrête sur Baltazar, je réalise qu'il est associé à cette période de ma vie, qu'il est présent dans tous mes souvenirs. C'est triste à dire, mais c'est la personne avec qui j'ai été le plus proche durant tout ce temps.

Je ne regrette rien. Je ne fuis plus rien. J'espère juste, dans un coin de mon esprit, que notre dernière rencontre restera gravée dans son esprit, et qu'il ne refera plus jamais les mêmes erreurs.

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Ma mère et moi sommes rentrées toutes les deux et nous nous préparons à dîner. C'est une situation qui pourrait paraître banale pour de nombreuses familles, mais elle signifie tellement pour moi.

En effet, c'est la première fois depuis de longs mois que nous sommes vraiment ensembles. Sans mails urgents de clients paniqués. Sans rendez-vous de dernière minute. Sans les infos allumées pendant notre repas, pour suivre les actualités sur le procès d'un collègue. Sans la pression constante que nous nous mettions toutes les deux, elle pour son boulot, et moi pour m'en sortir à l'école.

Sans maison à PoudlardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant