- Les Éveillés - I. La Promotion

◊ Chapitre 12 ◊

C'était la voix présente dans mes rêves. Celle qui me hantait depuis mon enfance. Celle qui me soutenait dans mes cauchemars, qui m'aidait à trouver le chemin pour en sortir. Ce n'était pas possible, j'étais en train de délirer, totalement, ma sœur était... morte.

Tout le monde le savait. Ce n'était pas un grand mystère si elle n'était pas revenue depuis tout ce temps. Les médecins nous assuraient le contraire, mais pour ma part il n'y avait aucune autre explication plausible : elle avait subi la Renaissance. Et pourtant, je venais d'entendre cette parole qui maintenant que j'avais un nom avait un petit air de ressemblance avec elle. Manipulation du gouvernement ou pas, je savais que leur technique pour faire taire leurs ennemis était de les tuer. Je devais tout simplement faire un mélange de toutes les voix féminines de mon entourage le plus proche et me créer un personnage fictif, du moins, c'est ce que les médecins me disaient. À présent, les révélations de Syrus et les bribes de conversations que je possédais à propos de Becky laissaient place au doute.

Mes parents avaient passé tellement de temps à rechercher quel était mon problème. Nous étions allés voir une myriade de spécialistes de toutes sortes durant mon enfance. J'étais devenu la bête de foire des scientifiques de la capitale. Machines après machines rien ne fonctionnait, aucun résultat visible ne se montrait malgré les efforts persistants des personnes en charge.

La seule alternative à mes « ennuis » avait été d'augmenter la dose de « Purifiction » qui était l'élément principal des sérums nous permettant, soi-disant, d'éviter tous désagréments médicaux.

Au début, cela marchait sans accroc, je me sentais de nouveau mieux, un peu plus comme tout le monde. Mais au fil des années, les effets que le produit me procurait avaient diminué petit à petit, laissant la voix refaire surface. Elle me hantait la nuit, me faisait me réveiller sans cesse en sursaut. C'était par ailleurs, à ce moment-là que mes crises de somnambulisme s'étaient fortement accentuées. Elle me conduisait de plus en plus loin, mais gardait la même trajectoire, comme si d'une quelconque façon, mon inconscient souhaitait m'emmener quelque part. Je sentais le regard inquiet de mes parents peser sur ma personne. Je sentais leur détresse, leur peur, l'appréhension qu'il ne m'arrive la même chose qu'à Cassie.

Le sifflement qui heurtait mes tympans ne voulait cesser. Il s'intensifiait petit à petit, me détruisant de l'intérieur. Je me scrutai dans le miroir des sanitaires de l'Institut avec étonnement. Mon teint était devenu livide et mon œil droit avait pris une nuance bleutée, une lueur où les variantes de l'océan se reflétaient, où le ciel avait élu domicile. Après ce changement brutal revenait à ma couleur naturelle, le vert, et ce schéma se répétaient sans cesse, à cadence régulière. Mes pupilles étaient dilatées, trop dilatées pour que cela soit normal. Mes mains tremblaient et j'avais l'étrange sensation qu'il y avait une présence ici, avec moi, dans cette pièce de métal et de verre. J'avais beau m'agiter de toute part, je ne voyais que ma silhouette et son reflet.

Des flashes, des images, des sons entraient en collision avec mon crâne. C'était une vraie torture, comme si une personne compressait ma tête de son pied, resserrant son étreinte, piétinant ma tête de plus en plus fort.

Mes yeux vairons étaient habités d'une moitié, l'émeraude et l'azur lumineux se battaient en duel. Celle de la voix me pétrifiant prenait le contrôle. C'était insupportable, rien ne cessait, du sang coulait de mes narines. J'avais peur, oui peur de ce qui allait arriver si ce supplice continuait de me heurter de ses coups malsains. Si ça ne s'arrêtait pas, j'allais devenir fou, Je m'assommerais pour faire stopper ce calvaire. J'avais l'impression de ne plus avoir le contrôle de mon propre corps, que j'étais le pantin au service d'un être fictif.