◊ Chapitre 20 ◊

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La cérémonie de la Promotion approchait à grands pas. Depuis notre retour, tout avait repris son calme plat, habituel. Le gouvernement avait accordé quelques jours de repos à ses étudiants, permettant à Leah et moi-même de nous remettre de nos émotions. Au reste du monde, nous étions toujours de simples élèves de l'Institut Saphir et j'aimais cette vision faussée. Notre vie allait s'engager dans un tournant inévitable, nous emmenant sur une toute nouvelle page, un chapitre inédit de notre existence. Dans une poignée de temps, tout allait changer, du tout au tout, et de façon irréversible.

Chaque année, la cérémonie présentée par nos dirigeants était stupéfiante, je devais l'avouer. Le Fondateur et ses équipes faisaient preuve d'une originalité remarquable que ce soit pour les éclairages, les décorations ou encore avec leurs beaux discours attendrissants la population. Malgré le sentiment de dégoût florissant en moi, je devais bien accorder au gouvernement l'élégance de leur prestation.

La Promotion regroupait tous les Hommes importants de notre communauté, nos très chers meneurs et surtout notre adoré Fondateur et sa famille. Venaient en second plan tous les instructeurs étant, d'après le Grand Conseil, le fruit de notre réussite puis enfin, les Promus et leurs proches.

Cet évènement était crucial dans notre société, une Seconde Naissance d'après les politiciens qui invitaient toute la famille de chaque adolescent participant à l'attribution. Pour certains, c'était le dernier moment avec leur enfant, qui allait vers un avenir meilleur, sur la route de la Renaissance.

Les habitants de la capitale avaient l'honneur d'apercevoir en chair et en os le fameux Fondateur ainsi que les influents composant de l'autorité. Quant à ceux résidents dans les autres métropoles du continent, tout avait été mis en place pour que ce même évènement ait lieu avec un hologramme copie conforme du Président.

Nous allions rentrer dans ce stade de notre existence où l'enfance n'avait plus sa place, dans un stade dit d'adulte, un bien grand mot pour de si jeunes personnes. Ça n'allait pas être avec une simple délégation de spécialités que nous allions devenir plus matures, plus réfléchis ou responsables. Cette idée me chiffonnait. C'était trop tôt et je ne me sentais pas prêt. À quoi bon ? Malgré l'engouement qu'elle suscitait chez chacun, cette mascarade servait à dissimuler le sentiment de contrôle, de supériorité que nos dirigeants avaient à notre égard. Sans évoquer la terreur de la Renaissance.

Je voyais clair maintenant. Les évènements récents m'avaient légué une amertume ne faisant qu'augmenter au fil du temps. Le peu d'information avait beau me laisser une multitude d'interrogations et de doutes, mes idées étaient limpides.

Dans cette société faussement parfaite, égale, sans aucune rivalité, les différences sociales existaient bel et bien. Elles étaient un moyen futile, permettant à ceux se trouvant au-dessus de la chaine de se sentir mieux dans leur peau, dans leur tête. Les personnes régissant ce gouvernement corrompu contrôlaient leurs sbires du haut de leur rang dans la communauté. Bien sûr, la plupart ne le voyaient pas et cela m'attristait au fond. Nous ne savions pas réellement à quoi ressemblait nos vies, ne nous rendions pas compte que tout été déjà écrit, que notre destin suivait un long fil où liberté de pensée avait été effacé. Ce qui m'indignait le plus, c'était le fait que j'avais ainsi vécu dans la méconnaissance. C'était une des raisons me convainquant de me lancer dans ce conflit contre les lois imposées. Je devais rétablir la vérité, lutter contre l'ignorance.

En voyant la Promotion plus proche que jamais, j'avais peur. J'étais effrayé, tétanisé à l'idée de réintégrer une nouvelle enveloppe. Je commençais à ressentir le même sentiment qu'Leah me rabâchait depuis plus de trois mois, de l'appréhension. Mon futur était à présent incertain et le rôle qu'on allait m'attribuer me laissait dans le doute. Et si cela ne me plaisait pas ? Et si l'on m'emmenait dans le sas de la Renaissance? Dans une poignée de jours, ces questions allaient trouver leurs réponses dans le fracas des applaudissements et la beauté du décor de la cérémonie tant prisée par l'ensemble de la population. La seule pensée venant noircir le tableau était : pourrais-je même vivre mon assignation ou est-ce que la Promotion signait la fin de ma vie en tant que citoyen du Fondateur ?

- Les Éveillés - I. La PromotionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant