La Princesse des Steppes

Au secours d'un Prince

Cette question tourmentait Aradante : pourquoi étaient-elles sans nouvelle de toutes leurs amies, qui pour la plupart appartenaient à l'environnement du Prince ? En désespoir de cause, Aradante pensa à Urtica, la mère de Zoé et de Clément. Si la première avait rompu toute relation avec sa mère, ou l'inverse plus exactement, car s'était plutôt la mère qui s'était désintéressée de la fille, Urtica n'avait jamais rompu les relations avec son fils. Aradante n'avait jamais bien compris ces préférences et avait toujours senti Zoé en souffrir. Elle n'avait jamais communiqué avec Urtica, mais Sofia, sa mère adoptive, lui en donnerait des nouvelles, toutes les deux retirées à Gypse. Mais pour elles aussi, le jeune médecin avait disparu des ondes.

C'est Ilana qui leur apporta la réponse. Elle remonta en fin d'après-midi et les en informa de vive voix : il y avait eu une révolution de palais en la Capitale. Talila, épaulée par les caracolantes et un groupe de marsalanes infiltrées au Palais, avait renversé le conseil du Prince et s'était auto-proclamée Grande Sorcière, cheffe du gouvernement à la place du Prince Régis. Elle n'en savait pas plus. On parlait d'armée soulevée contre le prince et de la victoire du parti féérique. Les hommes allaient rendre les places qu'ils avaient usurpées et retrouver la leur : au service des fées.

La décision fut donc prise de partir le plus rapidement possible. Aradante sentit le soulagement discret d'Ilana. Elle et Rochenéré n'avait pas achevé leur mission et laissaient tout en l'état, à Marsa, à l'initiative de la Mairesse qui se libérait de leur tutelle. Advienne que pourra ! Aradante espérait avoir fait d'Ilana une alliée mais rien n'était jamais sûr. Ilana lui sourit et l'accola amicalement pour la rassurer.

Il y avait finalement peu de bagages à préparer. Surtout des adieux à faire. Le départ fut donc fixé au lendemain. Rochenéré tenta de réfréner l'impatience de sa compagne.

« Et qu'est-ce que tu vas faire, une fois en la Capitale ? Te précipiter au Palais, demander des nouvelles de Régis ? »

Elles étaient dans le patio, au bord de la fontaine. Ernest avait pris en charge, encore une fois, une dernière, les deux enfants. Ilana était redescendue en ville. Elle ne remonterait qu'en soirée. Le bruissement de l'eau était sensé apaiser. Mais Aradante se sentait les nerfs en pelote et le chuintement de l'eau la faisait grincer. Elle s'éloigna. A moins que ce ne fut la question de Rochenéré ! Comme un écho du vent d'automne qui soufflait en rafale à l'extérieur, les branches des arbustes défeuillés s'agitaient vivement. Elle répondit enfin.

« Sofia c'est engagé à lever une troupe de montagnardes. Je veux être au plus près, savoir ce qu'il est devenu ! S'il est toujours vivant... »

« S'il était mort, tu l'aurais su ! »

Elle dû convenir que oui.

« Il faut organiser la résistance... »

« Mais la Capitale n'est peut-être pas le meilleur endroit pour le faire, lever des troupes, regagner celle du prince ? »

« Bah, pourquoi pas ? Sous le nez de Talila ? »

« C'est une sorcière puissante et bien entourée, elle aura vite fait de nous repérer... »

« Et moi, qui suis-je ? » lui demanda-t-elle en le fixant si froidement qu'il en fut agité de frissons.

« Oui... je dois en convenir... » Murmura-t-il. « Tu as quelque chose de la sorcière... »

Elle ne savait pas s'il parlait de sorcière en général où de Héro qui la hantait et de la puissance qu'elle lui avait transmise, désormais elle en était sûre, même si elle n'avait pas encore élucidé par quel charme elle avait pu le faire.