bataille rangée

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Comme celle de Sacha à des kilomètres plus loin, la troupe d'Aradante fut la dernière à passer le pont de la Limone. Le lendemain, il était submergé.

Malgré l'heure tardive, Régis les attendait et voulut un compte-rendu plus détaillé de sa mission, ainsi que son impression. Aradante n'était pas sûre de la neutralité de Han, ni Rochenéré d'ailleurs. C'était un personnage trop imprévisible, commandée par ses passions. Sa compagne semblait parvenir à le maîtriser mais son orgueil le poussait trop souvent à outrepasser les sages avis de la jeune fée. Il subissait sans doute une autre influence. La shamane du clan de la Louve Grise se faisait remarquer par son absence, ce qui inquiétait Régis. Mais tant que la Limone était en crue, Le peuple des steppes ne pourrait traverser et attaquer. Ce qui permettait de se préparer aux assauts de l'armée de Talila, venant du sud. Aradante pensait que grâce aux pluies incessantes, le moral des troupes devait être au plus bas, embourbées, trempées et sans doute affamées. Monter un camp, allumer un feu, cuisiner au grand air par ce temps-là relevait de l'héroïsme et les soldates recrutées en urgence par Corée et Pica étaient loin d'être des combattantes aguerries et solides. Elles pouvaient faire masse mais seraient vaincues aux premières difficultés. De leur côté, les troupes odilanes bénéficiaient de leurs casernements bien au sec, d'une cantine achalandée d'aliments frais et chauds, des remparts de la ville et de leurs machines de guerre déjà en place.

Aradante proposa de positionner quelques unités en dehors de la ville. Elles permettraient de prendre à revers l'armée de Talila quand elle arriverait aux abords de la ville. Avec Odile, elles consultèrent la carte. La petite ville de Chateauroc, comme son nom l'indiquait, était une place forte située sur un éperon rocheux, dominant un affluent de la Limone et le village en contrebas. Située au sud une demi-journée de marche forcée d'Odilan, elle était légèrement à l'écart de la route qu'emprunterait l'armée de Talila. Elle constituerait un abri au sec pour leurs troupes en attendant l'arrivée de l'armée ennemie que les odilanes et le Prince voulaient prendre en tenailles. Justinia avait dit que son armée serait sous les murs d'Odilan dans trois jours. Compte tenu des conditions météo, on pouvait en rajouter deux, avec une armée désorganisée. Et les cavalières de steppes ne traverseraient pas pour leur apporter diversion et renfort.

Les eaux de la Limone continuaient à monter et il pleuvait toujours. La crue n'était pas finie. Depuis leurs remparts, de l'autre côté du lac que formait désormais le fleuve dans sa plaine alluviale, les odilanes assistèrent à la levée du camp Shejin. L'eau leur léchait désormais les pieds. Malgré l'urgence, elles opèrent avec la même diligente organisation que pour monter leurs tentes rondes lors de leur arrivée. Il leur fallut la matinée. Il y eu un peu d'affolement dès le début, pourtant. Les bêtes, cavales et vaches, avaient été les premières à être rassemblées mais elles commencèrent à s'égayer dans la colline et il fallut les courser, tandis qu'un troupeau s'ensauvait en longeant l'eau avant de se trouver bloquer par un groupe de maisons à moitié noyées. S'en suivit une panique où les bêtes ne surent plus par où s'échapper et les cavalières de patauger entre les rues devenues ruisseaux pour les prendre à revers et les regrouper afin de les diriger vers la colline. Là, trempées, elles gravirent la colline. Pendant ce temps, leurs consœurs, finissaient de démonter les yourtes, plier les toiles et les feutres, les peaux et les tapis en évitant de les mouiller, ce qui demanda une attention vigilante et compliquée pour les charger dans des caisses fermées. Les hommes approchèrent aux plus près leurs charriots. Ils chargèrent les planchers, les perches et les treillis, les bagaans et les jeux multiples de cordes pour lier le tout ensemble. Il était plus de midi et l'on s'affairaient toujours avec de l'eau jusqu'au genoux, pour certaines. Il fallut dégager les voitures. Les boeufs et les cavales enfin attelées s'ébranlèrent mais plusieurs charriots eurent du mal à bouger. Il fallut les pousser. L'un d'entre eux tanga, tel un navire bousculé par la houle. Il fallut le retenir. Depuis l'autre rive, elles entendirent leurs clameurs et virent la charrette lentement se coucher et commencer à dériver avec ses bœufs attelés qui poussaient des cris à fendre l'âme. Un branle le bas frénétique se déclencha. Les Shejins tentèrent de la rattraper. Elles se vautrèrent dans l'eau pour la retenir. Un courant semblait l'avoir happer et de plus en plus rapidement, elle s'éloignait de la rive, gagnant le milieu du fleuve. Une grappe de fées et quelques hommes restaient désespérément accrochés et parvinrent à remonter vers les bœufs pour les libérer puis elles lâchèrent. Têtes et bras s'agitèrent et tentèrent de regagner la berge mais certaines disparurent après quelques sursauts désespérés. Le reste du clan assistait désespéré à la noyade. Deux des bêtes parvinrent à retrouver pieds. Deux hommes avaient disparus. Elles restèrent figées un long moment, après que les rescapées les eurent rejointes, attendant en vain de voir reparaître ceux qui avaient coulés tandis que le chariot s'éloignait à demi submergé. Puis, après un long moment, elles se détournèrent de l'eau qui avait englouti leurs compagnes, rejoignirent leur charriots et entreprirent de monter péniblement le chemin qui les mènerait au sec, au sommet de la colline.

La Princesse des SteppesWhere stories live. Discover now