En route

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Aradante voulait remonter jusqu'à la Capitale. Mais progresser avec une troupe d'une cinquantaine de guerrières n'était pas chose aisée, surtout lorsque l'on voulait passer inaperçu ! Son sort d'invisibilité n'était pas assez puissant pour toutes les protéger et si les quatre louves en possédait un elles aussi, ce n'était pas suffisant. De plus, les cavales posaient problème, qu'il fallait ravitailler. Elles abandonnèrent donc rapidement toute velléité de camouflage et progressèrent ainsi plus rapidement, marchant le jour, dormant la nuit de fermes en hôtelleries, parfois à la belle étoile mais elles l'évitèrent au maximum. La saison ne s'y prêtait pas. Plus que le froid, c'était l'humidité, des petites pluies succédant à des brumes pénétrantes, voir des brouillards à couper au couteau. Les régions qu'elles traversèrent, vallonnées et boisées, étaient plutôt calmes. Aradante les reconnaissait pour les avoir traversées il y avait une éternité lui semblait-t-il, en une ballade amoureuse qui n'était plus de mise. Aujourd'hui, c'était l'angoisse qui l'étreignait et les bras de son compagnon ne parvenaient pas à desserrer cette étreinte.

Leur groupe comprenait quelques hommes et il y eut au début quelques remuements autour d'eux. Le bel Oscar focalisait toute l'attention : le cheveu noir, le teint blanc qui s'échauffait facilement, une allure souple et une carrure à faire rêver toutes les fées réunies. Il se disait forgeron et s'y connaissait en cavale. Il se servait d'une arme de poing qui s'apparentait à un marteau et maniait avec dextérité un large coutelas de sa facture. Autour de lui, il y avait comme une effervescence, chacune roulant des seins et dansant du ventre autour de lui. Quelques mains voltigèrent, vite réprimées et l'enthousiasme retomba quand les quatre louves se l'accaparèrent. Il se laissa conquérir et chevaucha désormais avec sa cour disposée autour de lui et formant barrage. Aradante ne voulait imaginer comment elles s'arrangeaient la nuit, mais le jeune homme arborait chaque matin une mine fraîche et dispose qui ne laissait rien transparaître.

La troupe marchait à la queue leu leu, silencieuse. Les cavalières progressaient dans un vallon boisé et triste. Elles avaient délaissé la route et cheminaient péniblement dans le sous bois entre les branches basses chargées de gouttes d'eau qui pleuvaient sur elles au moindre affleurement quand elles ne fouettaient pas si on ne se baissait pas assez vite. La succion gluante du sol détrempé ralentissait les cavales qui dérapaient au moindre faux pas. Le sentier qu'elles traçaient sinuait à mi-pente entre taillis de ronces et fondrières gorgées d'eau. En bas, une petite rivière roulait furieusement dans son lit, poussant des rugissements qui emplissaient l'air. L'heure n'était plus à la gaudriole ni à la blague. Elles avaient fait une courte pause pour manger à midi mais la pluie fine qui tombait sans arrêt n'avait pas permis d'en faire un moment de détente alors que le sentiment d'un danger les alertait. La nuit non plus n'avait pas été très reposante, dans une grange désaffectée où elles avait eu toutes les peines du monde à allumer un feu et où elles avaient étalé leurs couvertures sur un sol froid et humide, avec les cavales à côté qui renâclaient et s'agitaient. Aradante avait sentit une présence toute la nuit. Cela faisait une semaine qu'elles chevauchaient sans interruption. Les cavalières et leurs montures commençaient à fatiguer. Leur vigilance avait été maximale au début, craignant que leur escarmouche à Layone ne les fasse rechercher puis l'attention s'était assoupie. Mais cette nuit-là, contre toute attente, elle avait senti la troupe hostile qui les cherchait et elle n'avait pas été la seule à dresser son attention. Les miliciennes layonnaises les avaient repérées elles aussi et elles savaient qu'un affrontement devait avoir lieu. Aradante avait fait levé son camp avant l'aube ce qui leur avait permis de prendre une légère avance. Elle voulait choisir le moment et le lieu et non subir l'assaut sur la défensive. Elle savait qu'un peu plus loin, le vallon s'ouvrait en un val moins abrupt où le bois s'éclaircissait pour laisser place à des prés et des champs. Elle ne parvenait pas à décompter ses poursuivantes. Loba remonta jusqu'à elle et se plaça bottes à bottes entre elle et Rochenéré.

La Princesse des SteppesWhere stories live. Discover now