||Twenty two||

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_Salem : Oh qui voilà ! Ça va mon cœur ?

Et c'est reparti pour les palpitations ! Au son de sa voix, mon cœur fut en proie à des battements saccadés. Était-ce normal de ressentir ce genre d'émotions incontrôlables ? Je déglutis péniblement, et lui fit un sourire contrit, culpabilisant déjà pour ce que je m'apprêtais à lui annoncer:

_Moi : ça va mon ange ? Et toi ? Désolée d'être passée à l'improviste, sans prévenir, mais...

_Salem : Pfff n'importe quoi. Vas -y, entre. J'étais juste en train de jouer à la play avec mes potes.

Il me prit la main et me conduisit au salon. Sa bande de copains y était, affalée sur le salon marocain, et jouant tranquillement aux jeux-vidéos.

_Salem : Eh les gars ! Mettez sur pause. Je vous présente ma femme Sarah. Faites-lui juste un coucou de la main, pas de bisous. Merci bien !

Ils ont subitement lancé leurs manettes sur la moquette et ont accouru à ma rencontre, pour me faire des câlins, rien que pour embêter Salem. Lol j'étais morte de rire. Leur groupe était composé de : Abdou le filiforme, très taquin, puis Papis, qui ressemblait à un nounours avec sa bouille de gros bébé, et enfin Matar, le rastaman, un type à l'air mystérieux qui donnait toujours l'impression d'être dans les vapes. Je ne sais pas ce qu'il fumait, mais ça devait être du lourd !

_Abdou : Enfin, on te voit en chair et en os. Salem nous a tellement saoulés avec toi. Mais rassure-nous, tu ne l'as pas ensorcelé quand même ? Parce que là, ça en devient grave !

_Moi : Nan je te rassure, je ne lui ai pas jeté un mauvais sort. Je pratique juste du vaudou. C'est léger comme truc, t'inquiète !

Bref, on passa notre temps à nous lancer des vannes. Ils m'ont tout de suite mis à l'aise, et je me sentais déjà intégrée. Ils me racontaient leurs années-collèges, et notamment les bêtises que faisait mon Salem. Je fus prise de fous rires, au point d'en oublier l'objet de ma venue : rompre avec Salem.

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Moment raconté par Leila Sadiya:

Parallèlement, à quelques kilomètres de cette scène, se passait un scénario diamétralement opposé.

Je regardais mon reflet dans le miroir de ma chambre. Je ne me reconnaissais plus : ni physiquement, ni moralement. Des cernes avaient élu domicile sous mes yeux, et me faisaient ressembler à un zombie. Voilà donc les fâcheuses conséquences d'une nuit sans sommeil, passée à pleurer sur mon oreiller ! Depuis que j'avais brusquement quitté en colère les filles, je n'avais rien mangé. Pas de dîner hier soir, ni de petit-déjeuner ce matin, et encore moins de repas ce midi. Je me sentais trop mal pour avaler quoi que ce soit. Tout ce que je voulais bizarrement, c'était reparler à Sarah. Mettre les points sur les i, et ne pas en rester sur ce désaccord.

Toutefois, je maintiens tout ce que j'ai dit. J'ai dit ce que j'ai pensé. Et j'ai pensé ce que j'ai dit. Deug kanii la, koko piss mou tokhognou. (=La vérité fait toujours mal). Force est de reconnaitre que Sarah a fauté grave en trompant Ibrahima, et en faisant des cachotteries à Salem. De plus, il est vrai que j'ai toutes mes chances pour pouvoir séduire le fameux Salem. Mais une phrase de Sarah m'avait interpellé : « N'oublie jamais : son cœur m'appartient tout de même. ». Qui étais-je pour m'opposer à deux êtres qui s'aiment passionnément ? L'amour finit par toujours triompher de toute façon. C'était donc une bataille perdue d'avance. Mais surtout, le plus important, c'est que je n'ai pas envie de perdre Sarah, et l'amitié qui nous unit, pour une histoire de cœur.

Mes larmes continuaient de toujours couler : pourquoi perdais-je tous les hommes de ma vie ? La vie ne m'a jamais fait de cadeaux depuis toute petite. A l'âge de 5 ans, mon père nous a quittés, ma mère, moi et mon frère Ahmed, cédant ainsi à la pression familiale. Ma famille paternelle n'a jamais voulu de ma mère, cette étrangère marocaine qui était à l'origine, venue poursuivre ses études à la faculté de médecine de Dakar, et qui finalement, s'était entichée d'un Sénégalais bon teint, en la personne de mon père. Malgré les dissuasions de sa famille, mon père l'a épousée... pour en fin de compte se soumettre à la volonté de mes grands-parents quelques années plus tard. Il ne s'est pas contenté de prendre une sénégalaise comme seconde épouse, il a fallu aussi qu'il répudie ma mère. Dans le jargon populaire, il parait que ça s'appelle « divorce ». Pour moi, c'est tout simplement « abandon et haute trahison ».

Bref, à l'âge de 14 ans, le jour où j'ai décroché mon BFEM (Brevet de Fin d'Etudes Moyennes), je me revois encore toute souriante, le jour de la délibération. Nous l'avions décroché toutes les 3 : Moi, Sarah et Nabiha. Nous les trois mousquetaires inséparables. Plus que des amies, des vraies sœurs de cœur. Le sourire aux lèvres, la mine triomphante, je suis rentrée chez moi toute fière et pressée d'annoncer la bonne nouvelle à ma mère et à mon grand frère chéri. Hélas, Ahmed n'était plus. La mort l'avait fauché à 17 ans. Je savais bien que son foutu scooter de merde le mènerait à sa perte. Je n'ai même pas eu le temps de lui dire au revoir, ni de voir son éclatant sourire à l'annonce de ma réussite tant escomptée. Bref, je venais de perdre le seul repère masculin qui me restait.

A partir de ce jour, je me suis promis de ne plus jamais m'attacher à un homme, puisque Dieu se faisait un malin plaisir à m'enlever tous les hommes de ma vie. De mes années lycée, à presqu'à la fin de mes études supérieures, je les ai passées en tant que spectatrice de la vie amoureuse de Sarah et de Nabiha. Elles batifolaient de mec en mec, insouciantes. Moi Leila, j'avais fermé à clé mon cœur à double tour. Arrêt et Stationnement interdits dans mon cœur, circulez ! Tel était le panneau affiché sur mon visage. Je ne voulais pas tomber amoureuse. Je n'en ressentais pas le besoin... Du moins jusqu'à ce que mes yeux croisèrent ceux de Salem.

Je n'avais jamais ressenti cela pour quelqu'un auparavant. Je ne cherche pas à me justifier, mais juste à vous faire comprendre ma réaction (certes puérile, je le concède) vis-à-vis de Sarah. J'ai juste pensé qu'il était trop facile que je me retire. Qu'on se le dise, Sarah a tout ce que je n'ai pas : un père aimant, un petit frère aussi adorable qu'espiègle. Elle avait tout pour elle. Moi la pauvre esseulée Leila, qu'avais-je pour moi ? Rien. Alors pourquoi me sacrifier ? C'était ce que je pensais hier, et avant-hier. Mais j'avais tort. Carrément tort. Sarah en vaut le sacrifice. Elle avait toujours été là pour moi. Elle valait la peine de me retirer, et de la laisser vivre cet amour. J'avais tort, et j'en suis consciente aujourd'hui. Heureusement que j'ai su me ressaisir à temps. Je ne veux pas perdre encore une fois une personne aussi importante dans ma vie.

J'espère que l'irréparable ne s'est pas encore produit...J'espère juste que Sarah n'a pas déjà rompu avec Salem.

A la hâte, je saisis mon téléphone et composai le numéro de Sarah, en espérant qu'il n'était pas encore trop tard. Sarah allait-elle m'écouter ? Allait-elle me pardonner ?


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TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant