TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?

||Thirty four||

Son regard s'était fait suppliant, et pour la première fois depuis cette histoire, je songeais sérieusement à lui pardonner. J'ai hésité pendant une fraction de seconde, et je lui répondis :

_Moi : Je te pardonne Izo.

Ses traits se détendirent, et je perçus une lueur d'espoir dans ses yeux. Grisée par le pouvoir décisionnel entre mes mains, je savourais ce petit silence délibéré, histoire d'allonger encore plus le suspens. Prête à vendre sa dernière lueur d'espoir au vent, je lui dis :

_Moi : Mais je ne retournerai jamais au grand jamais avec un homme qui n'a pas hésité à me mettre en mal avec ma propre mère. Quand on aime, on ne se livre pas à certaines bassesses. Ah, j'allais oublier ! Un dernier conseil, si tu le permets : si tu n'aimes pas Naomi, quitte la maintenant, sinon tu risques de la rendre malheureuse.

Il baissa les yeux, visiblement désemparé mais eut quand même le courage de me répondre :

_Ismael : Très bien ! Je comprends et respecte ta décision. Et ne t'inquiète pas pour Naomi, je vais régler cela avec elle, elle ne t'embêtera plus, promis.

Voilà, tout était dit ! Je ne m'attardai pas et partis de suite. Le chapitre Sarah /Ismaël était définitivement clos. Même si j'ai failli à un moment donné céder pour être franche (j'étais vraiment perdue à cette époque, et je ressentais un terrible sentiment de solitude), je suis convaincue d'avoir pris la bonne décision. Si je retournais avec lui, l'ombre de Naomi allait peser dans notre couple à jamais. Et puis que penseraient ma famille et mes amis de moi ?

Bref, pour la petite histoire, ce fut la dernière fois que je revis Ismaël, et deux mois plus tard, il se maria en grande pompe avec Naomi la Garce, et partis en lune de miel à Venise, d'après mes sources. Maintenant, quand je repense à toute cette histoire, il m'arrive d'en rire. Force est de reconnaitre qu'elle m'avait fait grandir en sagesse et appris qu'il fallait toujours se méfier de son entourage le plus proche. Toute personne a différentes facettes de personnalité, et on a beau côtoyer quelqu'un pendant des années, mais la vie ne nous laisse guère le temps de les explorer toutes. Le coup de poignard au dos pouvait provenir de n'importe qui, n'importe quand et n'importe comment. Donc, méfiez-vous !

Les jours passèrent donc, et Assiétou repoussait toujours l'échéance : en effet, cette folle n'avait toujours pas annoncé à ses parents qu'elle était enceinte, et son état de grossesse avançait à grands pas. Je faisais de mon mieux pour l'amener à la raison, mais j'échouais littéralement car elle me sortait toujours une excuse bidon. Je la soupçonnais au fond de garder l'espoir de voir Romain réapparaitre dans sa vie et accepter enfin d'endosser son rôle de père. Mais vous savez ce qu'on dit non ? « Ce que femme veut, Dieu veut ». Le destin semblait enfin nous sourire à elle et moi quelques jours plus tard.

Romain est venu chez moi un certain samedi soir aux environs de 20H. Il connaissait le code de la porte d'entrée de mon immeuble, et quand il toqua à ma porte, j'ouvris de suite sans demander qui c'était. J'étais persuadée que c'était ma voisine Hortense, une Burkinabé très gentille, qui venait taper la causette ou m'offrir un repas. C'était une femme d'une quarantaine d'années, très généreuse. Bref, ainsi quand j'ouvris la porte, et vis Romain devant moi, j'avais eu la réaction de quelqu'un qui aurait vu un fantôme. Je ne m'imaginais vraiment pas le voir ici chez moi.

_Romain : Coucou Sarah ! Assie est là ? Je dois lui parler STP.

Je me suis glissée furtivement dehors en repoussant Romain et en fermant la porte derrière moi. Prise d'un accès de colère, j'empoignais le col de sa chemise avec toute la force de mes faibles muscles et le plaqua au mur.

_Moi : Connard ! Si tu es venu pour la faire souffrir, tu vas m'entendre. Tu n'es même pas foutu d'assumer pffff et tu te permets de venir remuer le couteau dans la plaie. Tu me dégoûtes ! Qu'est-ce que tu lui veux ? Je ne te laisserai pas lui faire du mal.

Eh oui ! Tout de suite je m'étais autoproclamée super-héro des temps modernes : Sarahwoman lol . Quand il s'agissait de mes amis, je ne lésinais point à employer les grands moyens, je ne laisserais personne faire souffrir ma Assiétou chérie, déjà que la pauvre en avait vu de toutes les couleurs.

_Romain : Roooh c'est bon Sarah, t'excites pas ! Je suis juste venue lui parler, pas lui planter un couteau dans le ventre. Laisse-moi entrer.

_Moi : Tu t'attendais à quoi ? A un accueil royal, peut-être ? Je n'allais pas te dérouler le tapis rouge après que tu aies fui tes responsabilités. Tchiiip. Façon, c'est à Assie de décider si elle veut te parler ou pas. Et crois-moi mon grand, t'es mal barré.

Romain devint aussitôt tout rouge. Je ne sais pas vous, mais moi quand je vois les blancs changer automatiquement de couleur selon leurs émotions, ça me fait trop marrer. Et dire que leurs ancêtres avaient eu le toupet de nous appeler « hommes de couleur ».
Je cédais enfin, et lui ouvris la porte, en le devançant. J'étais tout aussi intriguée que lui de savoir comment Assiétou réagirait à sa vue. Cela faisait des mois depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et je ne pouvais imaginer comment il pouvait être douloureux de faire face à une grossesse toute seule sans le soutien du père de l'enfant qu'on porte.

Assie était affalée devant la télé, et mangeait des chips. Elle allait bientôt exploser à ce rythme. Je me demandais d'ailleurs si ce n'était pas dangereux pour le bébé qu'elle se goinfre ainsi. Elle avait mis une robe bleue africaine qu'elle ne quittait plus depuis quelques jours. Elle ne tarda pas à remarquer notre présence, et si elle fut surprise de voir Romain, elle n'en fit rien paraitre. J'admirais son calme olympien, sa maitrise de la situation. Assiétou était une femme forte. Des personnes de sa trempe, il y'en avait très peu, ça je vous l'assure. Ce qui est sûr, c'est que son futur bébé aura pleins de raisons d'être fier de sa maman.

Elle fit comme si elle n'avait pas vu Romain, et continua à mater sa série, en mâchouillant ses chips. La situation était vraiment cocasse, et je me retenais pour ne pas rire. Le pauvre Romain ne savait plus où se mettre et n'osait pas briser le silence. Bon, je me décidais enfin à lui donner un coup de main.

_Moi : Assie, Romain veut te parler.

Elle m'ignora royalement, et replongea de plus belle dans sa série. Eh mon Dieu, comment allais-je m'en sortir avec ces deux-là ?

_Romain : Sarah, tu peux nous laisser seuls STP ?

Bon bah, je voulais bien les laisser seuls mais j'avais un appartement d'une pièce d'à peine 25 mètres carrés, et même si je me réfugiais dans les toilettes, je ne perdrais aucun mot de la conversation. Et pour être franche, je n'avais aucune envie de partir et j'étais très curieuse d'en découvrir l'issue. Résignée, je m'apprêtais à partir chez Hortense ma voisine, quand Assiétou daigna enfin ouvrir la chose qui lui servait de bouche. Elle aboya furieusement :

_Assiétou : Non !!! Sarah tu ne pars nulle part. Tu restes ici. Romain si tu as quelque chose à me dire, tu me le dis en sa présence, je n'ai rien à lui cacher. C'est ma meilleure amie et elle a su me tendre le bras quand tu m'as lâchée au pire moment.

Ouh là ! Ça promet ! L'ambiance était devenue très tendue. Pauvre Romain, je commençais à le plaindre. Il regardait tantôt le plafond, tantôt le bout de ses chaussures. Il se lança enfin à l'eau :

_Romain : Très bien ! Comme tu veux !

Il souffla fort et annonça :

_Romain : Assiétou, je m'excuse platement pour mon comportement irresponsable. J'ai été bête de paniquer et de suivre les conseils de ma mère. Bref, je ne veux en aucun cas ressembler à mon père qui nous a abandonnés ma mère et moi depuis mes 5 ans, je veux prendre mes responsabilités et offrir à ce gosse une figure paternelle. Je te demande donc de revenir STP à la maison, je parlerai à tes parents, et on fera le nécessaire pour obtenir leur pardon.

Ouh laaa ! Quelle annonce ! C'est l'homme qui a peur, sinon il n'y a rien ! :)