||Thirty two||

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* Dans la peau d'Assiétou *

Je bondis de ma chaise, telle une furie, le corps secoué de spasmes dût à la colère, et à la mauvaise surprise. Non ! Je n'en voulais pas à Sophie, le principal fautif était nul autre que Romain qui permettait à sa satanique mère de me parler sur ce ton impérieux. Quelqu'un SVP pour rappeler à cette gourde que l'esclavage avait été définitivement aboli par Victor Schœlcher en France et que le vénéré Bob Marley nous avait assez mis en garde contre l'esclavage mental pour que je sois assez idiote pour tomber dans le piège. Sans m'en rendre compte, je m'étais levée du canapé en posant une main protectrice sur mon ventre, plat jusque-là :

_Moi : Non mais, comment osez-vous ? De quel droit vous permettez-vous de m'obliger à avorter ? Je ne compte pas tuer ce petit-être dans mon ventre.

Sophie, sans doute déroutée par ma violente réaction, s'adoucit :

_Sophie : Assiétou, calmez-vous. Je ne vous oblige en rien. Je n'outrepasse aucun droit là. C'est juste qu'à mon avis, la meilleure solution, c'est d'avorter. Je ne pense pas que mon fils et vous soyez prêts à être parents. C'est une grosse responsabilité, vous savez ? Ce n'est pas du tout à prendre à la légère.

_Romain : Oui, Assie. Je ne t'oblige en rien, et encore moins Maman. Mais j'ai beaucoup réfléchi, depuis que tu m'as annoncé la nouvelle. Et je pense que c'est la chose à faire, même si ça me peine...

Il s'approcha de moi et me prit la main.

_Romain : Nous avons assez de soucis comme ça avec tes parents qui déjà, ne me portent pas dans leur cœur. Ils sont contre le mariage mixte, tu le sais mieux que moi. Ton père parle de conversion à l'Islam, ça, ça passe encore...Mais il a fallu qu'il veuille que je me circoncise en plus de cela. Désolé, Assie, mais ton père est un extrémiste : il réagirait comment s'il apprenait que tu es enceinte ? Ils nous tueraient, et le bébé en premier. N'aggrave pas notre cas STP mon amour. Avorte, nous aurons encore plein d'occasions de faire de jolis métis.

Ma vision était devenue floue, je n'arrivais plus à y voir clair, les larmes brouillant ma vue. Pour la première fois depuis 5 ans, je versais des larmes amères. Je n'avais même pas pleuré quand Mr Laborde m'avait annoncé que j'étais tombée enceinte. Il faut avouer qu'on me surnommait Assie la tigresse depuis le bas âge, car j'étais connue pour être bagarreuse et téméraire, mais surtout je ne pleurais jamais, chose qui avait toujours étonné ma chère mère qui me disait souvent que j'avais un cœur de pierre. Bref, toutefois, ce lâche de Romain avait réussi à me faire chialer : c'était juste atroce comme sentiment de se sentir délaissée par l'être aimé.

Je savais qu'il serait très difficile pour moi de garder cet enfant et que ce choix s'accompagnerait de multiples difficultés comme le courroux de mes parents (mais surtout de mon père), le regard intolérant des gens, la fin de mes études pour ma survie et celle de mon bébé.... Et j'en passe. Mais je n'avais pas du tout anticipé la réaction de Romain. En gros, non seulement j'avais conçu un enfant hors-mariage, mais je connaitrais aussi le malheur d'être mère célibataire. Dure vie de solitaire qui se dessinait à l'horizon. Cependant, je resterai ferme dans ma position : je n'abrégerai la vie de mon bébé pour rien au monde. J'avais commis pour commencer le péché de la fornication, je n'allais pas non plus m'encombrer avec celui d'assassinat.

Je retirais la main de Romain et lui répondit :

_Moi : Épargne ta salive, Romain. Personne ne touchera à mon bébé. Je suis prête à l'élever seule s'il le faut, quitte à me faire déshériter par mon père. Si jamais tu changes d'avis et décides pour une fois de prendre tes couilles à deux mains et agir comme un vrai homme en jouant ton rôle de père, tu sauras où me trouver.

Je n'allais pas m'épancher longuement sur le sujet. Je lui demandais donc de me ramener chez lui sans tarder. J'empilais mes affaires dans mes deux grosses valises, sans rien ranger et sans plier mes habits, mais tout ce que je voulais, c'était déguerpir de chez lui. Sa présence m'insupportait tout simplement. J'avais la haine : j'espérais sincèrement qu'en me voyant ranger mes bagages pour m'en aller chez Sarah, il me retiendrait par amour. Mais il n'en fit rien. Monsieur sirotait tranquillement sa bière dans le salon. Sûrement pour noyer sa couardise dans son verre. Tchiiiiip.

Lors du trajet vers l'appart de Sarah, Romain ne m'a pas dit grand-chose. Il ne faisait que me répéter sans cesse, sans grande conviction : « Je suis vraiment désolé Assie. J'aurais voulu que cela se passe autrement. Mais là, tu m'en demandes trop. ». Il a dû me le répéter au moins une dizaine de fois, surement pour se convaincre lui-même. Mais de quoi avait-il peur, au juste ? Putain, le bonhomme avait 26 ans ! J'aurais compris si on avait 18 ans ou à la rigueur, 20 ans. Mais à 26 ans, on est censé se trouver dans le carrefour qui mène vers l'âge adulte et donc, par conséquent, assumer ses actes.
Je posais une seconde fois ma main sur mon ventre et une sensation étrange m'habita aussitôt. Ce petit bout de chou qui prenait vie dans mes entrailles avait été conçu avec une recette d'amour, de tendresse et un soupçon de passion. Je l'aimais déjà et me sentais liée à lui pour une raison que j'ignorais. Tout ce que je savais, c'est que je ne me séparerai de lui pour rien au monde. Et tels que je connaissais mes parents, ils ne me demanderaient jamais au grand jamais de m'en débarrasser, puisque leur foi en l'Islam le leur interdisait formellement. Il me restait juste à convaincre ma mère de me soutenir dans ce combat contre ma famille, et contre mon père précisément, et surtout prier pour que ce dernier n'en fasse pas tout un drame. Non pas que je minimisais mon acte, mais le mal était déjà fait. Et puis, qui sait, peut-être cet enfant serait le seul que j'aurais ? Après tout, les voies du Seigneur sont impénétrables.

Bref, arrivés chez Sarah, Romain fit monter mes valises et partit sans dire un mot. Je retenais difficilement mes larmes. L'homme que j'aimais venait de m'abandonner mon bébé et moi. Nous étions seuls au monde.

J'étais très reconnaissante à Sarah de ne pas m'avoir posé de questions ce jour-là. Il a suffi d'un regard pour qu'elle comprenne la situation critique. Cette nuit-là, elle se contenta uniquement de sécher mes larmes, de me faire enfiler mon pyjama comme à un enfant, et enfin de m'ordonner de me coucher.

J'eus du mal à m'endormir, et quand le sommeil me vainquit finalement, je rêvais d'un petit métis aux cheveux bouclés souriant dans les bras de son grand-père.
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* Dans la peau de Sarah *

Trois mois passèrent depuis mon retour en France et Décembre avait montré le bout de son nez, avec son lot de bonne humeur chez les gens malgré le froid glacial. Les rues de Toulouse étaient devenues l'otage de guirlandes, de lampadaires, et de minis sapins artificiels. Le centre-ville grouillait de monde, à toute heure : les emplettes de Noël et des fêtes de fin d'année avaient commencé. Cependant, malgré cette ambiance de festivités, je n'avais pas le cœur à célébrer quoi que ce soit. Je faisais peine à voir. J'en étais très consciente d'ailleurs : j'avais terriblement maigri, je flottais dans mes jeans et avais perdu mes formes et mes rondeurs. Je ne m'étais toujours pas remise de ma rupture avec Salem. Et Pourtant, je déployais d'énormes efforts pour y arriver, mais c'était peine perdue.

Mon quotidien était fait d'allers retours à la fac afin de préparer ma soutenance prévue pour le mois de Janvier, et de rendez-vous chez le médecin avec Assiétou pour le suivi de sa grossesse. Ce bébé était le seul rayon de soleil de mes journées si lugubres. A ma plus grande joie, le ventre d'Assie commençait à se pointer. Rien que de savoir qu'en rentrant de la fac, je la retrouverais à la maison affalée devant la télé, s'empiffrant de nourriture, remplissait mon cœur de bonheur.
Elle m'accueillit avec le sourire aux lèvres cet après-midi-là. S'il y a bien une chose que j'admirais chez Assie, c'était sa force, sa manière spectaculaire de s'être remise de sa séparation avec Romain avec cran. Seule tâche du tableau : elle n'avait toujours pas osé parler de sa grossesse à ses parents, repoussant toujours le délai au lendemain, malgré mes nombreuses remontrances.

_Moi : Alors la grosse ? Toujours en train de bouffer hein ?! Tu vas exploser à ce rythme !

_Assie : Fiche-moi la paix la maigrichonne, tu t'es vue ? Ayiiii, on dirait un cure-dent. Tchiip

_Moi : lol t'es trop mauvaise. Je t'aurais bastonnée si tu ne portais pas mon neveu ou ma nièce dans ton ventre. Bref, t'as appelé tes parents ? Tu m'avais dit que tu le ferais aujourd'hui.

_Assie : Sarah, laisse-moi respirer un peu STP. Je le ferai demain, je te promets.

_Moi : T'abuses sérieux ! Tu en es à 5 mois, ton ventre commence à se voir. Le plus longtemps tu le cacheras à tes parents, plus ils t'en voudront. Donc, tu ferais mieux d'arrêter de fuir tes responsabilités et de les mettre au courant. Tu dis tout le temps que Romain est un lâche, et qu'il n'a pas assumé, eh bah, en cachant ta grossesse à tes parents, tu ne vaux pas mieux ma chère.

Je sais que mes paroles étaient dures à l'époque, mais il le fallait pour qu'elle réagisse. Cette situation ne pouvait continuer. De plus, elle était un peu sous ma responsabilité, puisqu'elle vivait sous mon toit.

_Assie : Je les appellerai demain. Point final. En parlant de lâche, et toi dans tout ça ? Depuis des mois je te défie d'appeler Salem pour t'excuser et lui demander de te donner une autre chance, mais Mademoiselle se défile tout le temps. On forme donc une belle paire de lâches, toi et moi, hein ma belle ? lol

_Moi : Pfff ce n'est pas du tout pareil. Je te rappelle que Salem m'a explicitement demandé de ne plus l'appeler, et de l'oublier. Je ne vais pas me rabaisser à l'appeler.

_Assie : En amour, il faut savoir mettre son orgueil dans sa poche, c'est tout ce que j'ai à te dire. Tchiiip. Bref, tu m'as acheté mes chouquettes ?

_Moi : Ouais, elles sont dans mon sac, t'as récupéré le courrier ?

_Assie : Non, j'ai eu la flemme de sortir.

_Moi : Paresseuse !

Je lui tirai la langue et m'enfuis avant qu'elle ne me jette à la figure l'assiette qu'elle avait sous le bras. Avec Assie et ses sautes d'humeur dûes à la grossesse, mieux valait se prémunir. Bref, je récupérai tranquillement mon courrier en dévalant les escaliers lorsqu'une enveloppe rose particulièrement belle, et ornée de fleurs attira mon attention. Il n'y avait que mon adresse au dos, et aucune adresse d'un éventuel expéditeur. Cela m'intrigua encore plus, et je l'ouvris précipitamment, manquant ainsi de déchirer le contenu. Il s'agissait d'un faire-part de mariage de ...... et de .......

Mamma Mia ! Je me tins dans la rampe de l'escalier pour ne pas tomber.

La suite très prochainement !

TOME 1 : Entre désillusions et trahisons, notre amour survivra-t-il ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant